Bruce Fitch, ministre du Développement social, a annoncé la semaine dernière des changements importants pour les bénéficiaires de l’aide sociale au Nouveau-Brunswick. Le ministre chiffre à 10,8 millions de dollars le coût de cet investissement qui selon lui « aidera à réduire la pauvreté et à éliminer des obstacles que rencontrent les clients qui ont de la difficulté à retourner sur le marché du travail. » Ce gouvernement, peu reconnu pour sa générosité, modifie certains règlements régressifs et en abolit carrément d’autres.
Par exemple, depuis le 1er octobre, les bénéficiaires de l’aide au revenu peuvent gagner plus d’argent d’un travail sans être pénalisés. Ils peuvent gagner 500 dollars par mois sans pénalités, plus 50 cents pour chaque dollar additionnel. Une nette amélioration, puisque les exemptions précédentes étaient de150 dollars mensuellement et 30 cents pour chaque dollar supplémentaire.
La réduction des prestations des bénéficiaires adultes qui vivent avec leurs parents ou qui déboursent plus de 25 pour cent de leur chèque d’aide sociale au logement est tout simplement abolie.
Les montants reçus pour les pensions alimentaires pour enfants, l’Allocation Canada-Nouveau-Brunswick pour le logement ou ceux liés aux lésions corporelles ne sont plus inclus dans le calcul pour déterminer l’éligibilité à l’aide sociale.
Les taux d’aide au revenu sont indexés au taux de l’inflation de la province. On se souvient que l’an dernier le gouvernement avait majoré les taux de 5 pour cent pour certaines catégories de bénéficiaires.
Deux autres changements sont mis en place, soit la définition de « sourd » et l’autorisation des infirmières praticiennes et infirmiers praticiens de compléter les formulaires médicaux pour les personnes qui demandent une désignation d’invalidité.
Enfin le ministre Fitch annonce la mise sur pied d’un Groupe de travail sur l’examen des services et des programmes de soutien aux personnes ayant un handicap.
Lorsqu’on relit la plateforme électorale de 2018 du parti conservateur, la réduction de la pauvreté n’occupe pas une grande place.
Dans la plateforme de 2020, nous ne trouvons aucune mention de changements à l’aide sociale.
Alors pourquoi le ministre Fitch décide-t-il de faire ces changements, qui sont en fin de compte assez positifs? Qu’est-ce qui a changé?
Trois principaux facteurs pourraient justifier ce changement de cap.
La pression publique. Depuis des années, des organisations communautaires et celles de lobbying, tel le Front commun pour la justice sociale du Nouveau-Brunswick, sensibilisent la population à la nécessité de combattre la pauvreté. Elles ont publié de nombreux documents décrivant la situation et proposé des actions concrètes pour réduire la pauvreté et interpelé les candidats et les chefs de partis lors des campagnes électorales. Le ministre du Développement social a été rencontré à plusieurs reprises et l’opinion publique a été sensibilisée à la situation précaire des citoyennes et citoyens vivant de l’aide sociale soit par des lettres d’opinion ou des interventions dans les différents médias.
Le manque de main-d’œuvre. La province, comme le reste du Canada, a un besoin urgent de travailleuses et de travailleurs. Dans les dix dernières années, la population active du Nouveau-Brunswick a diminué de 9 300 personnes. Le ministre Fitch compte donc sur l’augmentation de l’exemption salariale pour encourager les bénéficiaires qui ont déjà un emploi à accepter plus d’heures de travail et d’autres à revenir sur le marché de travail.
L’augmentation des prix à la consommation. Ce phénomène a un impact direct sur la situation financière de toute la population, mais en particulier pour les citoyennes et les citoyens les plus vulnérables qui ont un revenu fixe. L’indice des prix à la consommation au Nouveau-Brunswick indique une augmentation de 4,7 % du coût d’un panier fixe des biens et services en comparaison à l’an dernier. Il est évident que les milliers de personnes qui dépendent de l’aide sociale ne peuvent absorber de telles augmentations.
Certains ont critiqué le ministre Fitch de ne pas avoir augmenté les taux de base des bénéficiaires qui sont, rappelons-le, parmi les plus bas du Canada en 2019 et la situation ne s’est certainement pas améliorée. Il faut malgré tout donner un certain crédit au ministre pour avoir répondu positivement aux demandes des organismes communautaires et reconnaitre que ces changements vont faire une vraie différence dans le portefeuille de milliers de bénéficiaires de l’aide sociale.
Le gouvernement doit maintenant passer à la seconde étape s’il veut continuer à réduire la pauvreté. Pour ce faire, le budget provincial de l’an prochain doit comprendre une augmentation substantielle du budget du ministère du Développement social afin de bonifier tous les taux de base des bénéficiaires.
Finalement, il est intéressant de constater que les derniers changements significatifs au programme d’aide sociale furent mis en place en 2013 par Madeleine Dubé, alors ministre du Développement social dans le gouvernement conservateur de David Alward. Nous n’avons connu aucun changement majeur sous le règne libéral de Shawn Graham ni celui de Brian Gallant.
Jean-Claude Basque est membre du comité de rédaction de la NB Media Co-op et défend depuis longtemps les droits des travailleurs et la justice sociale.