Depuis le début de la pandémie, un médecin du Nouveau-Brunswick s’est donné comme mission de convaincre ses concitoyen(ne)s de présenter leurs bras aux cliniques de vaccination. Infatigable, il publie, de semaine en semaine, les informations pertinentes sur sa page Facebook. D’une patience exemplaire, il répond aux questions et encaisse les critiques de personnes parfois méfiantes et mal informées. Chef de l’Unité de médecine familiale de l’Hôpital régional d’Edmundston et en service au département d’oncologie, le Dr. Tobin pratique dans la zone sanitaire 4, une des plus touchées par la pandémie. Au moment de publier, le NB avait enregistré 94 décès, dont 32 dans cette zone.
CMNB: QU’EST-CE QUI VOUS A POUSSÉ À VOUS INVESTIR DANS CETTE MISSION?
Comme vous le savez, en mars 2020 la COVID a entraîné des changements majeurs, surtout dans les hôpitaux. À celui d’Edmundston, comme ailleurs, il fallait réorganiser les protocoles pour les visites, les traitements, le dépistage des maladies, etc. Il fallait fermer un des accès à l’édifice et aviser la population de ce qui se passait. C’était des décisions sans précédent et on avait tous peur. Je me suis dit que Facebook serait la meilleure façon, parce que les gens avaient besoin de savoir, d’être informés presque au quotidien, car ça progressait rapidement. Je voulais aussi décrire ce que je vivais. Aussi, pour moi et mes collègues, et le personnel de la santé, c’était l’inconnu. Nous étions bombardés d’information sur une maladie virulente, en évolution constante, alors j’ai aussi décidé de publier des feuillets d’informations, juste pour nous. Il fallait se tenir à jour.
CMNB: VOUS AVEZ DONC OPTÉ POUR FACEBOOK AFIN DE JOINDRE LA POPULATION, ÊTIEZ-VOUS ACTIF SUR FACEBOOK?
Pas vraiment. Comme tout le monde je parlais de mes voyages, je partageais des photos. Mais c’est la quantité énorme de désinformation qui m’a décidé d’étendre ma page Facebook à tous ceux et celles qui voulaient se tenir au courant. Et les médias d’information se sont rendus compte de ça et se sont mis à m’appeler. Je suis devenu de fil en aiguille une personne ressource dans les émissions de radios et au Téléjournal Acadie.
CMNB: VOUS RECEVEZ BEAUCOUP DE COMMENTAIRES POSITIFS, MAIS RAPIDEMENT IL Y A AUSSI EU DE LA RÉSISTANCE ET DES COMMENTAIRES PARFOIS IRRESPECTUEUX.
Oui et ça continue. Personne n’est inoculé contre la méchanceté, mais on apprend vite à les ignorer, et dans les pires cas, à les cacher. Cela m’a grandement déçu, les gens dévoilent leurs vraies couleurs. La nature humaine est une chose très complexe, j’en suis conscient.
Les gens expriment la méchanceté parce qu’ils ont peur et ne comprennent pas. Et ils expriment leur méfiance contre les autorités et là, c’est le complot gouvernemental! Il a fallu que j’apprenne à répondre à ces gens-là. Je sais que dans le fond ce sont de bonnes personnes.
CMNB: CE QUI FRAPPE C’EST LA PATIENCE DONT VOUS FAITES PREUVE EN RÉPONDANT À TOUTES CES PERSONNES, PEU IMPORTE LEUR OPINION.
Je me dis que la seule façon de contrer la fausse information c’est de constamment donner la bonne, basée sur la science et les observations validées. Il faut répéter sans cesse. Et même si je ne convaincs pas cette personne, je vais peut-être en toucher une autre qui fait la lecture de ce que j’explique. Je sais qu’il y a des gens qui ne m’aiment pas, ni mes interventions. Pas seulement dans le Madawaska, mais dans le Restigouche aussi.
CMNB: CROYEZ-VOUS AVOIR CONVAINCU DES SCEPTIQUES, DES ANTI-VACCINS?
Oui absolument! Par Facebook et en parlant avec mes patient(e)s. Certains qui ont survécu à la COVID et d’autres aussi que je vois lors de mes fonctions à l’hôpital. Ils se sont fait vacciner et surtout, parfois ils ont fait réaliser à des membres de leur famille de se faire vacciner.
CMNB: LA RÉGION DU MADAWASKA À TRAVERSÉE DES PÉRIODES PÉNIBLES. ELLE A ÉTÉ BOUCLÉE PLUSIEURS SEMAINES LE PRINTEMPS DERNIERS ALORS QUE LA COVID RAVAGEAIT DES FOYERS DE SOINS. ET MÊME MAINTENANT, ÇA REPREND. ET IL Y A ENCORE BEAUCOUP DEPERSONNES SCEPTIQUE, ET DES MANIFESTATIONS ONT EU LIEU.
Je dois dire que je ne m’attendais pas à ça et je ne comprends toujours pas. C’est délirant, je dirais que c’est un délire collectif. Non mais, depuis quand donne-t-on des vaccins dans le but d’empoisonner le monde? C’est perturbant. Les travailleur(e)s de la santé, mes collègues et moi, travaillons avec des gens qui pensent ça! Dans le fond, je sais que ce sont de bonnes personnes et je comprends que c’est un nouveau vaccin, mais ça faisait déjà des années que les laboratoires perfectionnaient les fondements de l’ARNm. Et on est tellement chanceux de l’avoir. Si on avait pas de vaccin, à l’heure actuelle tout ce qu’il y aurait dans les hôpitaux seraient des personnes malades et mourantes de la COVID. Juste de la
COVID!
CMNB: D’AUCUNS DIRAIENT QUE VOUS MENEZ À VOUS TOUT SEUL UNE CAMPAGNE DE SENSIBILISATION, QUE VOUS FAITES CE QUE LA PROVINCE DEVRAIT FAIRE.
Je ne veux pas trop commenter là-dessus, ni être négatif à l’égard du gouvernement ou de la Régie Vitalité. C’est personnel ce que je fais et j’ai mon propre style. Je ne vois pas les médias comme des ennemis. Je les vois comme des alliés. Ça peut paraître drôle mais c’est en écoutant l’émission de télé District 31 que j’ai réalisé ça! C’est simple je donne de l’information et, sauf exception, il y a un respect mutuel. La transparence autant que possible. Mais sans faire de reproche, oui je crois bien que je fais parfois le travail des autres. Ma récompense c’est une communauté vaccinée, prudente et informée. J’ai l’intention de continuer, pour sûr.
Hélène Branch est membre du comité de rédaction de la Coopérative des médias du Nouveau-Brunswick et a eu une carrière de 30 ans en journalisme à Radio-Canada Moncton.