Sylvie fait carrière en tant que travailleuse de soins à domicile depuis 45 ans, mais elle a toujours besoin de deux colocataires pour joindre les deux bouts. Elle a besoin d’équité salariale.
Tammy entame sa 11e année en tant qu’intervenante de crise dans une maison de transition pour les femmes fuyant la violence, et elle n’a toujours pas les moyens d’acheter sa propre maison. Elle a besoin d’équité salariale.
Jessica travaille dans une résidence communautaire où elle s’occupe de jeunes en difficulté. Mais même en travaillant des heures supplémentaires, elle n’a pas les moyens de fonder sa propre famille. Elle a besoin d’équité salariale.
Lesley est une travailleuse communautaire qui soutient les personnes atteintes de maladie mentale. Malgré son diplôme d’études postsecondaires et ses 28 années d’expérience dans le domaine, elle a souvent dû recourir à des banques alimentaires. Elle a besoin d’équité salariale.
Ces quatre travailleuses font partie des quelques 12 000 personnes préposées aux soins et intervenantes communautaires – surtout des femmes – au Nouveau-Brunswick. Elles fournissent des soins et des services aux enfants, aux personnes âgées, aux personnes vivant avec un handicap, et aux femmes fuyant la violence. Elles ne gagnent que de 14 $ à 16,80 $ l’heure.
La valeur des soins
Depuis le début de la pandémie, on reconnaît que les personnes préposées aux soins sont « essentielles ». Pourtant, cela ne se reflète pas dans leurs maigres salaires et pauvres conditions de travail. Au contraire, elles sont sous-payées, sous-valorisées et surchargées, avec peu ou pas d’avantages sociaux ou de congés de maladie payés. En fait, la main-d’œuvre de soins du Nouveau-Brunswick est parmi les moins bien rémunérées au pays.
L’emploi des personnes préposées aux soins nécessite plus que du cœur. Il exige une formation professionnelle, est physiquement et émotionnellement exigeante, et comporte des conditions de travail dangereuses. La valeur de ce travail doit être reflétée dans le salaire du personnel.
L’équité salariale permettrait d’assurer un salaire égal pour un travail de valeur égale. Pour parvenir à l’équité salariale, la valeur des emplois à prédominance féminine doit être comparée à celle des emplois à prédominance masculine en fonction des compétences, des responsabilités, des efforts et des conditions de travail requises pour l’emploi.
Un exercice d’équité salariale mené par la Coalition pour l’équité salariale du Nouveau-Brunswick a révélé que des salaires équitables devraient se situer entre 22 $ et près de 26 $ l’heure, révélant un écart salarial entre 6,67 $ et 10,73 $ l’heure, selon le service.
Il n’est pas surprenant que les femmes du Nouveau-Brunswick soient plus de deux fois plus susceptibles que les hommes de se retrouver dans la pauvreté après avoir franchi l’âge de la retraite. En prenant soin des plus vulnérables, les personnes préposées aux soins sont elles-mêmes rendues vulnérables par leurs faibles salaires.
En fait, c’est comme si elles subventionnaient le gouvernement.
Le prix des soins
Alors que le gouvernement provincial a annoncé un excédent budgétaire pour la quatrième année consécutive – un total considérable de 408,5 millions de dollars pour l’exercice 2020-21 – il est clair qu’il peut se permettre d’investir dans des ajustements salariaux pour le secteur. Si c’est une priorité du gouvernement.
La Coalition recommande au gouvernement d’élaborer un plan de cinq ans qui prévoit des ajustements salariaux annuels afin d’atteindre l’équité salariale dans l’ensemble du secteur. Présentement, tout ajustement des salaires est du ressort du processus budgétaire.
Ainsi, le personnel ne bénéficie d’aucune assurance ni d’aucune prévisibilité quant aux investissements futurs. Cette situation offre peu de perspectives aux personnes qui entament leur carrière, et peu d’espoir à celles qui approchent de la fin de celle-ci.
Un secteur en crise depuis longtemps
Le sous-financement chronique des salaires dans le secteur entraîne des difficultés de recrutement et de rétention de personnel qualifié. Ces défis ne sont pas récents. Ils ne sont pas le résultat de la pandémie de COVID-19, ni un effet de la Prestation canadienne d’urgence temporaire (PCU).
S’il y a des pénuries de main-d’œuvre dans le secteur des soins, c’est surtout parce que les personnes préposées aux soins constatent qu’elles valent plus.
Et cette crise prend de l’ampleur. En effet, la main-d’œuvre actuelle est vieillissante, ce qui s’avère catastrophique pour un secteur qui a déjà du mal à assurer le minimum d’heures de soins à un grand nombre de ses résidents.
Avant la COVID-19, un lit d’hôpital sur quatre était occupé par un patient nécessitant un autre niveau de soins, car il n’y avait pas, et il n’y a toujours pas, suffisamment de personnel pour s’occuper d’eux dans les établissements de soins de longue durée.
Lorsque les personnes préposées aux soins prendront leur retraite et auront elles-mêmes besoin de soins, les besoins seront encore plus criants.
Il faut agir !
Pour l’instant, nous porterons notre attention sur le prochain discours du Trône. Il doit prioriser le secteur des soins et lui accorder les investissements qu’il mérite. Il faut améliorer les conditions de travail et les salaires des personnes préposées aux soins jusqu’à ce qu’elles atteignent l’équité salariale.
Car si elles partent, qui prendra soin de nous ?
Krysta Cowling est la Présidente de la Coalition pour l’équité salariale du Nouveau-Brunswick.