La réforme de la santé annoncée le 17 novembre dernier par le gouvernement du Nouveau-Brunswick, dans un document intitulé “Stabilisation des soins de santé: un appel à l’action urgent”, prévoit résoudre en partie le manque de personnel en soins de santé, par le recours à des intervenants et intervenantes non traditionnels.
À prime abord, cette ouverture d’esprit de la part du ministère de la Santé, et de la ministre Dorothy Shephard, peut sembler intéressante. Au lieu, par exemple, d’avoir à attendre des mois avant de voir un.e psychologue, dûment formée dans une université où une école reconnue, une personne pourrait être référée à un autre genre de thérapeute.
En effet, selon le document p. 13, “les fournisseurs non traditionnels comprennent, sans s’y limiter, les massothérapeutes, les réflexologues, les chiropraticiens, les diététiciens, les conseillers, les coachs de vie et les thérapeutes cognitivo-comportementaux”.
Le problème, c’est que certains de ces fournisseurs de soins non traditionnels ne sont pas encadrés par un ordre professionnel. Mentionnons notamment, les réflexologues, les coachs de vie et les thérapeutes cognitifs-comportementaux.Ceci ouvre la porte à toutes sortes d’intervenants et intervenantes dont la formation et les compétences sont parfois douteuses, non fondées scientifiquement et très limitées. En principe, n’importe qui au Nouveau-Brunswick peut s’improviser thérapeute en santé, sans avoir reçu la moindre formation. Si on ajoute à cela le fait que le gouvernement prévoit faire appel à des personnes de l’extérieur de la province, la situation devient encore plus inquiétante.
Demander à des fournisseurs de soins non traditionnels, dont la formation n’est pas reconnue, voire contestée, de soigner des personnes vulnérables, comporte des risques évidents. Qui va protéger les patients et les patientes crédules et vulnérables contre les fournisseurs incompétents? Quels recours aura celui ou celle qui a reçu des soins abusifs ou préjudiciables par des pseudo-guérisseurs? La compagnie Medavie, qui va gérer le triage des patients et des patientes, ne sera probablement pas intéressée à recevoir les plaintes des personnes insatisfaites.
Les ordres professionnels sont là pour assurer que la formation de leurs membres soit conforme à des normes et à des standards élevés approuvés par des spécialistes de leur domaine. Ils protègent les malades contre toute forme d’abus et de négligence de la part de leurs membres. Par exemple, personne n’a le droit de s’improviser psychologue à moins d’avoir réussi l’examen du Collège des psychologues du Nouveau-Brunswick. Par contre, n’importe qui peut s’improviser thérapeute.
La solution à la pénurie de personnel en soins de santé est-elle de recruter davantage de médecins, d’infirmières et de psychologues, en leur offrant de meilleures conditions de travail, ou d’accepter que toutes sortes de « guérisseurs » traitent les patients et les patientes du Nouveau-Brunswick? Si certains des fournisseurs de soins non traditionnels peuvent parfois faire beaucoup de bien, d’autres risquent de faire beaucoup plus de tort que de bien, et même, de discréditer le travail des médecins, des infirmières, des infirmiers et des autres professionnels de la santé.
Avant d’ouvrir la porte à des fournisseurs de soins non traditionnels et de laisser le secteur privé décider quelles sont les personnes dont les soins peuvent être confiés à tel ou tel intervenant, le gouvernement devrait mettre en place des mécanismes pour assurer que les soins qui seront prodigués sont appropriés. Toute intervention dans le domaine de la santé doit être fondée sur des méthodes prouvées scientifiquement. Personne ne devrait avoir le droit de jouer avec notre santé. C’est ce que nous avons de plus précieux.
Bernadette Landry est membre du comité sur la santé de l’Association francophone des aînés du Nouveau-Brunswick.