Le 28 mai prochain, l’Université de Moncton décernera un doctorat honorifique à Arthur L. Irving, en reconnaissance de sa « contribution exceptionnelle dans le monde de l’administration des affaires ».
Ceci se veut « la plus haute distinction remise par l’Université de Moncton ».
Nous dénonçons cette nomination, qui entache l’image de notre université.
Nous avons soulevé de multiples questions sur la nomination, qui s’est effectuée dans le secret le plus complet. À ce jour, nous ignorons qui a soumis la candidature de M. Irving. Les documents ont été jalousement gardés par l’Université. D’ailleurs, les candidatures ne sont pas sujettes à débat: elles sont acceptées ou refusées par le sénat académique. Tout ce que nous savons, c’est que nous avons voté contre cette nomination.
Les raisons de notre position sont multiples: sa contribution décomplexée à la crise climatique (de façon directe et indirecte); l’évitement fiscal dont la compagnie est à la fois pionnière et championne dans notre province; son contrôle oligarchique sur les médias; l’influence dont elle joue pour orienter les décisions d’un gouvernement, qui multiplie les avantages qui lui sont accordés au détriment de notre population, et j’en passe.
Mais le comble de cette histoire est l’hypocrisie de l’Université de Moncton qui se dit sensible et déterminée à agir contre la crise climatique… tout en acceptant allègrement des fonds d’un champion de la pollution dans notre petite province.
Ils nous diront que ces fonds serviront à aider la population étudiante, mais à quel prix? Cela n’a rien de rassurant.
Agir – réellement agir – contre les changements climatiques, c’est entre autres avoir le courage de refuser les contributions pécuniaires des barons du pétrole lorsqu’elles s’offrent à nous. L’Université de Moncton doit avoir le courage de ses convictions et s’assurer que les promesses d’action positives à l’endroit des changements climatiques ne soient pas que des paroles vides, prononcées uniquement pour les apparences.
Rappelons au passage l’engagement solidaire de l’Université envers les peuples des Premières Nations, dont les intérêts sont aux antipodes du conglomérat Irving.
Au minimum, s’il faut reconnaître la « contribution durable et profonde » de M. Irving au domaine de l’administration des affaires, il aurait été possible de le faire autrement qu’en lui décernant un doctorat honorifique. Ou sinon, quand l’Université acceptera son don à la campagne Évolution, qu’elle le fasse en mentionnant le crédit d’impôt auquel ce don lui donnera droit du même coup. Alors là nous pourrons calculer le montant net de sa « contribution exceptionnelle ».
Pour toutes ces raisons, permettez-nous de douter de l’Université de Moncton quand elle affirme qu’elle nomme ces personnes avec le souci de « donner aux étudiants et aux étudiantes qui reçoivent leur diplôme des modèles susceptibles de les inspirer ».
Avec des modèles comme ça… non merci.
Mathilde Thériault est la présidente de la Fédération des étudiantes et étudiants du Campus universitaire de Moncton.