Au début du mois de janvier 2022, on apprenait que près de 500 employé.e.s du système de santé du Nouveau-Brunswick ne sont plus au travail parce qu’ils.elles sont épuisés, en congé parce qu’ils ont testé positif à la COVID-19 ou sont atteints de la maladie. Sans oublier ceux et celles qui ont tout simplement quitté leur emploi. La grave pénurie d’employé.e.s qui en résulte s’ajoute au manque chronique de ressources humaines dont le système de santé souffrait déjà bien avant le début de la pandémie.
Face à cette crise sans précédent, le 18 janvier dernier la ministre de la Santé Dorothy Shephard demandait à tous les citoyen.ne.s de la province qui le peuvent, de venir prêter main-forte au personnel des hôpitaux, des foyers de soins et des foyers de soins spéciaux. Dès le lendemain, 1 600 personnes levaient la main pour faire leur part. Impressionnant! Bravo à tous ceux et celles qui ont accepté d’offrir gratuitement leur soutien. Mais cette solution est inacceptable et ne peut être que temporaire. Qu’est-ce qui est prévu à plus long terme?
La réforme de la santé annoncée par la ministre Shephard en novembre dernier ne proposait pas grand-chose pour régler la pénurie de personnel, sauf l’intégration d’intervenant.e.s dont la formation, même lorsqu’elle est encadrée, ne repose pas toujours sur des bases scientifiques. On peut mentionner entre autres, les réflexologues, les coachs de vie et les naturopathes, qui ne sont d’ailleurs pas régis par des ordres professionnels. Il y a de quoi s’ inquiéter, surtout quand on sait à quel point certains pratiquant.e.s de soins “alternatifs “ sont parfois de vrais charlatans.
Le document détaillé de la réforme, intitulé Stabilisation des soins de santé : Un appel à l’action urgent, préconise également que les Néo-Brunswickois.es eux-mêmes participent à la gestion de leurs soins de santé. Et tel que mentionné précédemment, il veut faire appel à des bénévoles pour « offrir du soutien » aux aînés. Le plan d’action précise que le gouvernement compte, entre autres, sur les organismes communautaires pour offrir aux personnes âgées « les mesures de soutien social dont elles ont besoin pour vivre de manière aussi autonome que possible pour aussi longtemps que possible – quelle que soit leur résidence ».
Les organismes communautaires auraient donc un rôle plus important à jouer en ce qui a trait au soutien des personnes âgées qui veulent vieillir chez elles. Tout cela est beau en principe, mais en pratique, de quel type de soutien s’agit-il? Qui fera quoi? Comment va-t-on s’assurer que toutes les personnes qui ont besoin de soutien l’obtiennent en toute confidentialité? Qui va en assumer les coûts? Plus on se pose de questions, moins on a de réponses. Si le document ne fournit aucun détail à ce sujet, serait-ce parce que la ministre Shephard elle-même n’a aucune idée de la manière dont cela va se passer concrètement?
On peut se demander si le gouvernement provincial ne songerait pas, dans son désir de diminuer ses dépenses, à transférer de plus en plus ses responsabilités financières aux bénévoles et aux familles. Si on lit entre les lignes de la réforme annoncée en novembre, en plus de mettre à contribution les organismes regroupant et défendant les aîné.e.s., il encourage les proches aidants à soutenir leurs parents davantage, sans pour autant leur offrir les ressources financières nécessaires pour le faire adéquatement.
Un constat similaire peut se faire pour les organismes communautaires, qui auraient à organiser des activités pour briser l’isolement, faire de l’écoute active, accueillir les nouveaux arrivants, etc. Comment les maigres subventions qu’il offre aux organismes communautaires peuvent-elles les encourager à assumer de nouvelles responsabilités? Le gouvernement serait-il en train d’orienter subtilement les activités des organismes communautaires en fonction de ses besoins? Un exemple concret est le projet pilote Connexion NB, un partenariat entre La Croix Rouge et la province. Les services de soutien dispensés aux personnes âgées le seront uniquement par des volontaires. Et comme il ne faut pas mordre la main du chien qui nous nourrit, personne au sein de ces organismes n’ose critiquer.
Le gouvernement ne peut pas s’attendre à ce que des bénévoles assument à long terme des responsabilités normalement assignées à des employé.e.s. Cette main d’œuvre, parce qu’elle est rémunérée, à une expertise et des obligations que les bénévoles n’ont pas.
D’autant plus que la plupart des bénévoles sont des aîné.e.s. En tant que retraité.e.s, ils veulent bien donner un coup de pouce de temps en temps, mais ils n’ont plus vingt ans, comme on dit. Ils tiennent à gérer leur temps comme bon leur semble. Ils ne veulent pas se faire imposer des tâches qu’ils n’ont pas le goût d’accomplir, avoir à travailler sous pression, devoir respecter un horaire rigide, avoir des comptes à rendre à un patron, etc. Ils veulent se sentir libres d’occuper leur temps autrement quand ils reçoivent de la visite, qu’ils veulent partir en vacances, se consacrer à d’autres projets ou que leur propre santé devient précaire. Ils et elles ne sont pas intéressés à remplacer des jeunes qui ont vraiment besoin de gagner leur vie. Ils pourraient donc remettre en question le bénévolat qu’ils accomplissent maintenant.
Déjà, la population à la retraite, elle-même vieillissante, rend un nombre incalculable de services, que ce soit au sein d’organismes communautaires ou de manière informelle en soutenant des gens autour d’eux, que ce soit en tant que proches aidants, pour garder leurs petits-enfants, donner un coup de main à un ami ou à un voisin, ou pour rendre visite à quelqu’un qui ne va pas bien. Mais comme disait ma mère, faut pas ambitionner sur le pain béni.
Bernadette Landry est membre du comité sur la santé de l’Association francophone des aînés du Nouveau-Brunswick.