Tout au long de l’année, l’Organisation des Nations-Unies (ONU) consacre certaines journées à un thème particulier. En 2008, pour nous rappeler que nous partageons la même planète, l’ONU a choisi le 20 février comme Journée mondiale de la justice sociale. Son objectif est de promouvoir une répartition équitable des revenus et un meilleur accès aux ressources pour tous.
Beaucoup de gens ne sont pas conscients que de graves incidents d’injustice se produisent régulièrement. Il arrive que des personnes se sentent tellement prisonnières de circonstances injustes qu’elles envisagent le suicide. De tels incidents rappellent qu’un monde véritablement juste est loin d’être atteint. Il est important de réserver le 20 février comme une journée d’engagement à œuvrer pour une justice sociale et une équité permanente dans un monde globalisé.
La Charte des droits de l’homme stipule que “Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.” Si cela est vrai en théorie, en pratique, c’est loin d’être réalisé. De nombreuses personnes commencent leur vie avec moins de chances de réussite que d’autres.
La raison d’être de la Journée mondiale pour la justice sociale est de faire pression pour que des améliorations et des solutions soient apportées, afin de corriger les injustices. Face à l’écart croissant entre les riches et les pauvres, nous sommes appelés à promouvoir une répartition équitable des revenus, un meilleur accès aux ressources et l’égalité pour tous. La façon évidente d’y parvenir est de résoudre les injustices fiscales actuelles. La justice par l’impôt est un moyen d’améliorer les relations sociales et de supprimer les inégalités dangereuses. Même si les impôts sont souvent considérés comme un moyen pour les gouvernements de mettre la main dans la poche des gens, en réalité, la fiscalité est un moyen d’établir la justice. Elle favorise la redistribution de la richesse et protège la dignité des personnes vivant dans la pauvreté.
Les systèmes d’imposition actuels au Canada et au Nouveau-Brunswick sont injustes. Le gouvernement fédéral et celui des provinces ont tellement réduit les impôts des personnes riches et des grandes entreprises au cours des dernières décennies, que lorsque tous les impôts sont pris en compte, le 1 % le plus riche de la population paie un taux d’imposition global inférieur à celui de tous les autres groupes, y compris le 10 % le plus pauvre. Pour parvenir à la justice fiscale, il faut augmenter les taux d’imposition des personnes à hauts revenus et des sociétés prospères, tout en veillant à ce que les personnes à faibles revenus reçoivent les avantages auxquels elles ont droit. Une façon de résoudre le problème de l’accumulation excessive de richesses, par ceux qui comptent déjà parmi les plus riches, est de mettre en place un nouvel impôt sur la fortune. Des décennies de réductions de l’impôt des sociétés ont coûté des sommes considérables au Gouvernement fédéral et aux provinces, mais n’ont pas pour autant stimulé l’emploi, favorisé la croissance économique ou réduit la pauvreté.
Au Nouveau-Brunswick, le groupe de personnes le plus injustement traité est celui qui est obligé de dépendre de l’aide sociale. Le taux d’aide pour les personnes seules jugées aptes au travail n’est que de 571 $ par mois. Ces personnes ne peuvent pas se permettre d’avoir un toit sur la tête, car une chambre simple se loue à partir de 400 $ et plus. Une personne qui dépend de l’aide sociale ne peut pas se nourrir adéquatement, car un régime alimentaire nutritif coûte au moins 250 $ par mois. Des milliers de personnes au N.B. doivent fréquenter les banques alimentaires et les soupes populaires, se procurer des vêtements d’occasion dans les dépôts de vêtements et se priver des produits de première nécessité afin de survivre. Leurs droits humains fondamentaux sont violés.
Il est impératif que les taux d’aide sociale soient augmentés parce que le revenu des bénéficiaires, seuls, ou avec une famille, n’atteint pas le seuil de pauvreté tel que défini par Statistique Canada. Au Nouveau-Brunswick, le seuil de pauvreté pour une personne est de 21 579 $ par année, pour deux personnes, il est de 30 518 $ et pour quatre personnes, il est de 43 159 $. Présentement, tous les bénéficiaires sont en dessous de ce seuil. Le Front commun pour la justice sociale a récemment demandé au ministre du Développement social d’augmenter les taux de 100 dollars par mois, pour toutes les personnes et tous les ménages bénéficiant de l’aide sociale, dans le budget provincial de 2022-2023. Cette augmentation ponctuelle sera utile, mais insuffisante pour amener leur revenu au seuil de pauvreté. D’autres augmentations généreuses seront nécessaires sur plusieurs années, jusqu’à ce que leur revenu atteigne le seuil acceptable. Plus de quarante organismes sans but lucratif et syndicaux ont appuyé la demande du Front commun dans une lettre ouverte au ministre du Développement social. Une telle augmentation permettrait de réduire les coûts des soins de santé provinciaux, d’atténuer la crise de l’itinérance et de rendre leur dignité aux personnes vivant dans la pauvreté.
La justice et la dignité doivent également être une réalité pour les travailleurs à faible salaire. L’augmentation récente du salaire minimum au Nouveau-Brunswick est un pas dans la bonne direction vers la justice sociale. Malgré cela, actuellement, une personne qui travaille moins de 35 heures par semaine au salaire minimum pendant 52 semaines, a un revenu inférieur au seuil de pauvreté. De nombreuses personnes sont dans cette situation, notamment la main d’œuvre saisonnière, payée au salaire minimum. Sans le respect de leurs droits, ces personnes vivent dans l’anxiété quant à leur avenir, et leur droit à la dignité est ignoré.
Le 20 février est le jour désigné pour reconnaître et exprimer notre gratitude envers de nombreuses organisations sans but lucratif et leurs dirigeant.e.s, qui ne manquent jamais une occasion de militer pour la justice sociale. Si la justice régnait partout dans le monde, chaque personne vivrait en paix et en harmonie. Nelson Mandela disait que “Vaincre la pauvreté n’est pas un geste de charité. C’est la protection d’un droit humain fondamental, le droit à la dignité et à une vie décente.”
Avec la détermination nécessaire, les gouvernements peuvent instaurer une société équitable et juste.
Auréa Cormier, n.d.s.c., est secrétaire de la Société St.-Vincent-de-Paul de Moncton.