On a réussi à mettre la main sur le mémoire manuscrit et audio de Blaine Higgs présenté devant la Commission Guérette-Smith sur les langues officielles en 1985. Lord Durham, auteur du rapport Durham paru au 18ème siècle prônant un Canada unilingue anglais en assimilant les canadiens français, aurait pu rédiger le mémoire de Higgs. C’est pire que ce qu’on aurait pu s’attendre. On paraphrase les pensées de Higgs sur l’unilinguisme au Nouveau-Brunswick, et à l’occasion on se permettra une traduction libre de ses propos.
Certains plaident qu’avec les années tout individu peut changer d’idées. Mais malheureusement dans le cas de monsieur Higgs, on a le sentiment qu’il n’a pas changé un iota dans ses perceptions sur le bilinguisme et la dualité linguistique, et encore moins sur l’égalité réelle des deux communautés.
D’entrée de jeu dans son mémoire, il glorifie les États-unis d’avoir la chance “d’être unis sous un drapeau, un gouvernement, et une langue.” Et il ajoute “nous n’atteindrons jamais un tel niveau de loyauté et d’unité quand en même temps on s’embarque dans un processus supportant deux cultures différentes”.
Il questionne même la pertinence d’une armée bilingue, car dit-il, on serait pris dans la confusion face à l’ennemi quant à savoir si les ordres devraient être donnés en anglais ou en français. Il accuse aussi le Québec de vouloir imposer son “French power” au Canada,et il accuse le Canada de trop investir au Québec. Ei il ajoute “que nous ferions mieux de négocier une séparation comme alternative, option dont il souhaite personnellement qu’elle ne se réalise pas”.
Il dit : “Maintenant nous sommes une province sacrifiée à cause du bilinguisme au Canada en étant la seule province officiellement bilingue”, et ce statut crée des problèmes. Il considère que Robichaud et Hatfield ont ignoré les vœux de la majorité anglophone.
Il clama à l’époque, bien avant la venue du COR et du English Speaking League, la nécessité d’une “inévitable association dédiée exclusivement à la préservation des Canadiens anglais ”, qui pourrait aboutir à la création d’un parti politique voué à cette cause. Mais, c’est un prophète, ce monsieur!
Il dénonce fortement les subventions que les gouvernement donnent pour financer les groupes de pression acadiens (francophones), et même le “Canadian Parents for french”. Il est surtout scandalisé de constater que le gouvernement donne de l’argent pour des causes francophones dans les cours, surtout celles portant sur l’éducation en français. Il prône même un programme d’immersion en anglais pour les Acadiens au lieu du programme d’immersion française pour les anglophones.
Il considère que les motivations des Acadiens pour s’affirmer sont plus économiques que linguistiques. Ils devraient déménager dans des régions plus fortes économiquement plutôt que de se cantonner dans des régions pauvres, selon lui. Enfin, il mentionne que le bilinguisme est un frein aux investissements.
Dans ses recommandations, il propose que le Nouveau-Brunswick devienne une province unilingue anglaise. Que le français soit enseigné comme toute matière, sans statut particulier. Que l’identité culturelle se limite au niveau personnel et individuel. Que les unilingues francophones aient droit à un programme d’immersion en anglais. Enfin, que tout embauche ne tient compte que de la compétence, sans considération des langues.
Tel est notre Premier ministre dans le passé, et telle est sa philosophie. On a toutes les raisons de croire qu’il est toujours le même homme aujourd’hui. En 1985, ce n’était pas un adolescent qui parlait: il était déjà un homme mature.
On remercie monsieur Higgs d’avoir contribué à écrire cette chronique. Mais, il est indigne et inapte à être le Premier ministre d’une province officiellement bilingue avec ces idées-là. Il est presque un imposteur, tant pour la province que pour son parti. Souhaitons qu’il démissionne le plus vite possible pour le bien-être de la province, comme pour son parti!
Jean-Marie Nadeau est un militant, journaliste et dirigeant syndical acadien. Cette chronique provient du Moniteur acadien, journal le plus ancien (1867) en Acadie. De par un autre geste patriotique, nous vous encourageons à vous abonner au Moniteur acadien tant dans sa version papier que dans sa version électronique.Ça aidera à assurer la survie et l’épanouissement du journal. Pour ce faire, rendez vous sur le site Web du journal, à savoir Moniteuracadien.com.