L’éditorial du 22 avril 2022 de Brunswick News, intitulé « Universities must meet workforce needs » (Les universités doivent répondre aux besoins en main-d’œuvre) ainsi que le commentaire subséquent du 26 avril 2022, « Take a hard look at N.B.’s universities » (Examinons de très près les universités du N.-B.) ont proposé de nombreuses affirmations sur les universités publiques qui doivent être corrigées.
Les deux articles sont directement liés à la récente annonce du ministère de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail (ÉPFT) à l’effet qu’il y aura une hausse supplémentaire de 1 % du financement accordé aux universités publiques dès que celles-ci auront démontré une augmentation du nombre d’inscriptions. Cette mesure est proposée comme une partie de la solution aux pénuries de main-d’œuvre que connaît le Nouveau-Brunswick.
Toutefois, un point demeure constamment absent des propos du gouvernement et des médias au sujet des universités publiques, soit la reconnaissance des contributions de ces établissements, non seulement sur le plan de l’éducation et de la diplomation de jeunes gens bien éduqués, mais aussi en ce qui a trait à la qualité de la recherche qui y est faite. Le fait de toujours faire allusion aux universités publiques, de façon plus ou moins subtile, comme étant des établissements de formation de la main-d’œuvre du Nouveau-Brunswick est dangereusement réductionniste, minant ainsi le bien de la province et la véritable essence de l’éducation.
Je veux tout d’abord saluer la décision annoncée par le ministre de l’ÉPTF d’éliminer les intérêts sur les prêts étudiants. Cela étant dit, force est de constater que cette mesure n’aura probablement que des effets mineurs sur les faibles taux d’inscription quand on la compare à la dette moyenne de 40 000 $ que les diplômés doivent rembourser une fois qu’ils quittent les bancs de l’université. Quand une étudiante ou un étudiant potentiel et sa famille contemplent l’aspect financier qu’implique le fait de fréquenter l’université, les droits de scolarité sont le facteur décisionnel, et non le taux d’intérêt sur un prêt étudiant.
Des recherches indépendantes ont démontré que le fait de rendre les droits de scolarité vraiment abordables figure parmi les meilleures façons d’inciter les étudiantes et étudiants à s’inscrire à l’université et de s’assurer qu’ils décrochent un diplôme. Pour y arriver, les différents gouvernements qui se succèdent au Nouveau-Brunswick doivent avoir le courage de prendre des mesures beaucoup plus audacieuses que celles qu’ils ont prises jusqu’à maintenant, comme par exemple réduire considérablement les frais de scolarité, avec pour but ultime de les éliminer totalement. Des douzaines de pays, dans toutes les régions du monde, ont des frais de scolarité universitaires minimes, voire inexistants. Ces pays n’ont pas fait faillite, loin de là, et leur population n’est pas moins responsable avec son argent en raison de cela.
La réticence à agir de façon audacieuse en matière de frais de scolarité est encore plus difficile à comprendre quand nous entendons constamment dire que les étudiantes et étudiants internationaux représentent une part importante de la solution à notre pénurie de main-d’œuvre. Cela revient à demander aux universités d’être des « services d’immigration » alors que ce n’est ni leur rôle ni leur force. Par ailleurs, après que les universités ont déployé d’immenses efforts et ressources pour recruter et accepter ces étudiantes et étudiants internationaux, une minime proportion d’entre eux (moins de 10 %) se voit accorder un visa canadien. Qui plus est, le fait de permettre à nos universités de demander aux étudiantes et étudiants internationaux le double en frais de scolarité comparativement à leurs homologues canadiens est une aberration. Nous devons faire en sorte de rendre nos universités attrayantes à l’ensemble de la population étudiante, en commençant par rendre les droits de scolarité vraiment abordables pour toutes et tous.
Examinons maintenant la question de la hausse supplémentaire de 1 % des fonds accordée aux universités publiques qui démontreront avoir connu une augmentation de l’inscription étudiante. Bien que les universités publiques se réjouissent toujours d’obtenir des fonds supplémentaires, cette initiative est problématique pour au moins deux raisons.
Premièrement, il s’agit d’un très petit montant pour attirer un effectif étudiant et assurer la diplomation d’un nombre important de nouveaux étudiants et étudiantes — un problème qui est d’une ampleur considérable et qui dure depuis longtemps. Deuxièmement, le fait de fournir les fonds une fois que l’augmentation des inscriptions étudiantes aura été constatée n’aide pas à atteindre les résultats attendus. C’est un peu comme mettre la charrue avant les bœufs. On se demande sur quelle preuve tangible le gouvernement du Nouveau-Brunswick s’est fondé quand il a envisagé cette initiative.
Le fait que le gouvernement se soustrait de manière aussi draconienne à ses responsabilités de pourvoir un financement adéquat à l’éducation universitaire est la véritable histoire ici. Il y a 30 ans, les gouvernements provinciaux canadiens, dont celui du Nouveau-Brunswick, couvraient environ 80 % des frais de fonctionnement des universités publiques. Cette portion se situe maintenant à 57 % au Nouveau-Brunswick. Quand le gouvernement limite la hausse des subventions de fonctionnement à 1 ou 1,5 % par année, cela n’équivaut même pas au taux d’inflation que connaissent les universités publiques, qui se situe à environ 3 % annuellement.
Ces nombreuses décennies de sous-financement ont donné lieu à des déficits accumulés pour toutes les universités publiques qui, en plus d’avoir à prendre constamment des mesures pour réduire leurs coûts, essaient de combler l’écart de financement entre les subventions de fonctionnement et le coût véritable de fonctionnement de ces établissements par l’entremise de droits de scolarité en escalade constante. Ce fait est contraire à l’idée de rendre les universités plus abordables pour les étudiantes et étudiants. L’argent ne devrait jamais entraver l’accès à l’éducation; le recours à des prêts de 40 000 $ par étudiante ou étudiant n’est pas une solution viable, malgré l’élimination des intérêts sur ces prêts.
Par ailleurs, l’insinuation selon laquelle le Nouveau-Brunswick perd un nombre important d’étudiantes et étudiants en faveur d’autres provinces en raison, semble-t-il, des programmes peu attrayants de nos universités publiques, comme le suggère l’éditorial de Brunswick News, ne correspond tout simplement pas aux données fournies par la Commission de l’enseignement supérieur des Provinces maritimes.
C’est précisément pour démystifier ce genre d’idées erronées et préparer le terrain en vue d’améliorer de façon substantielle les résultats des missions d’éducation et de recherche des universités publiques du Nouveau-Brunswick que la Fédération des associations de professeures et professeurs d’université du Nouveau-Brunswick (FAPPUNB) demande, depuis des années, que le gouvernement du Nouveau-Brunswick organise un forum sur l’éducation postsecondaire avec toutes les parties prenantes à la table. Le Nouveau-Brunswick attend toujours.
La FAPPUNB a défendu bon nombre des arguments que je soulève ci-dessus dans son Exposé de position concernant la mise en œuvre du financement fondé sur le rendement dans les universités publiques du Nouveau-Brunswick. Malheureusement, beaucoup de propos qui sont tenus et de mesures qui sont prises au sujet des universités publiques du Nouveau-Brunswick ne se fondent pas sur des informations fiables, mettant ainsi en péril les missions fondamentales d’éducation et de recherche remplies par les universités publiques de la province.
Hector Guy Adégbidi est le président de la Fédération des associations de professeures et professeurs d’université du Nouveau-Brunswick.