Monsieur le ministre,
La décision récente de votre ministère sur l’élimination du programme Connexion NB-AE suscite de graves inquiétudes chez les personnes étudiantes partout dans la province, ainsi que leurs familles.
En raison du peu d’informations offertes, mais peut-être surtout en raison de l’absence totale de préavis quant à la fin du programme, leurs craintes sont tout à fait compréhensibles. Les commentaires que nous recevons montrent bien que les gens sont à la fois surpris, confus, et effrayés.
Votre décision semble prise à la hâte, sans mener les consultations qui s’imposent. Il est crucial d’éclairer ces décisions en évaluant leur impact sur les personnes affectées, pour prévoir des mesures qui permettront d’éviter de leur causer un préjudice; ou à défaut, de le réduire. Dans notre secteur, les plans sont établis longtemps d’avance et impliquent des dépenses majeures, même sans ce type d’imprévu.
Les réactions à votre décision indiquent que cet impact sera énorme. Les finances étudiantes en sont lourdement affectées, ce qui cause aussi un risque au niveau des inscriptions et de la diplomation du côté des institutions postsecondaires. Nous avons reçu un grand nombre de commentaires en ce sens en très peu de temps. Cet impact est clair et net; par-dessus tout, il sera ressenti de manière immédiate.
Ce sont près de 7000 personnes dans autant de situations différentes qui devront trouver le moyen de joindre autrement les deux bouts – tout en étudiant à temps plein.
Ce n’est pas que les personnes étudiantes ne veulent pas travailler, M. Holder; elles ne peuvent travailler de sorte à assurer leur stabilité financière sans mettre en péril leur succès dans leurs études. L’obtention du diplôme est et doit rester leur objectif principal. C’est pourquoi plusieurs bourses d’études interdisent de travailler plus de 10-15 heures par semaine, et que le salaire accumulé durant la période d’études peut réduire l’aide financière à laquelle elles sont admissibles. Travailler n’est pas une option viable pour tout le monde, non plus, et pour une multitude de raisons.
L’élimination du programme est littéralement appuyée sur le fait que les personnes étudiantes ne sont pas disponibles pour travailler. Comment est-ce que ceci peut, de façon réaliste, « aider les employeurs à combler les postes vacants » comme le dit votre message? Bien des gens se le demandent.
Les études coûtent toujours de plus en plus cher, année après année; la vie aussi, comme vous le savez, particulièrement dans une période où l’inflation atteint des sommets inégalés depuis les années 1980. Beaucoup de ces dépenses ne sont ni optionnelles, ni contrôlables en termes de coût, et ce dernier augmente à un rythme impossible à gérer pour bien des gens.
Bien des personnes étudiantes ne peuvent pas vivre chez leurs parents pendant les études. Il leur faut alors trouver un logement, souvent très vite et dans un marché devenu agressivement compétitif. Ceci les rend particulièrement vulnérables à accepter des conditions inacceptables. Ce n’est pas vraiment un choix: les options sont limitées et un «logement abordable» frise maintenant les 1000$ par mois.
D’ailleurs, rares sont les propriétaires qui acceptent des locataires pour 8 mois: il faut payer les 12.
C’est la santé des personnes étudiantes, et leur santé mentale particulièrement, qui est mise en péril par cette pression financière accrue. Quelles sont leurs options? Soit accumuler une dette énorme qui les suivra pendant des années après l’obtention du diplôme – si elles parviennent à tenir le coup jusque-là – ou alors s’épuiser en tentant de gérer le stress énorme d’une pleine charge de cours et d’un salaire constamment insuffisant pour garder la tête en-dehors de l’eau.
En somme, la frustration étudiante est palpable et tient, d’une part, au manque criant d’annonce et d’information officielle émanant de votre ministère, et d’autre part à l’absence totale de solution (ou d’intention exprimée en ce sens) qui pourra les aider à faire face à ce défi immense et surtout, inattendu.
La FÉÉCUM et UNBSU vous demandent ainsi de participer à une rencontre dans le but de discuter ensemble de cet enjeu et d’identifier des pistes de solutions qui pourraient répondre aux préoccupations exprimées par nos membres. Nous comprenons mal pourquoi la fin de ce programme est aussi brusque, et la panique actuelle démontre bien la nécessité de trouver une solution pour les personnes étudiantes néo-brunswickoises. Ceci était entièrement en votre pouvoir, et nous jugeons qu’il est de votre devoir de corriger l’erreur.
Soyez assuré, Monsieur le ministre, que nous restons pleinement disposés à vous appuyer dans la mise en place de mesures de redressement à cette situation, et que nous attendons avec espoir votre réponse à notre invitation.
Jean-Sébastien Léger est président de la Fédération des étudiants et des étudiantes du Centre universitaire de Moncton; Kordell Walsh est président du syndicat étudiant de l’Université du Nouveau-Brunswick (UNBSU); Josue Lunza Yoko est président de l’Association Générale des Étudiantes et Étudiants de l’Université de Moncton, Campus d’Edmundston; et Aminata Ouedraogo est présidente de l’Association étudiante de l’Université de Moncton campus de Shippagan.