Un policier de la GRC vient d’être accusé de voies de fait à Campbellton. L’agent Pierrick Caron a été filmé en train de donner de nombreux coups de poing à un homme retenu au sol par une troisième personne. De toute évidence, le rapport de force était inégal, mais le policier continuait de frapper sa victime à grands coups, y compris à la tête.
L’incident est survenu il y a un an. Des citoyen·nes en colère avaient par la suite manifesté dans les rues de Campbellton contre l’excès de violence exercée par le policier dans cette affaire. Quelle surprise ce fut de voir qu’un an plus tard, des accusations étaient portées contre le policier, ce qui n’arrive que très rarement.
En effet, lorsqu’ils causent des blessures graves ou qu’ils tuent quelqu’un dans le cadre de leurs fonctions, les policiers et policières ne sont à peu près jamais accusés de quoi que ce soit. Ce fut le cas récemment dans l’histoire de Chantel Moore, dont tout le monde se souvient, ou encore de Michel Vienneau, cet homme d’affaires de la Péninsule acadienne qui avait par la suite été disculpé de tout reproche.
On demande aux policiers de ne jamais utiliser de force excessive, mais lorsque c’est le cas, il ne semble pas y avoir de conséquences aux gestes qu’ils posent. Même lorsque la « police de la police », qui s’appelle le Bureau des enquêtes indépendantes, fait une enquête à la suite d’un incident grave impliquant un policier, ces derniers s’en sortent toujours bien : des 117 enquêtes menées par le Bureau des enquêtes indépendantes entre 2016 et 2020, aucune n’a mené à l’accusation de policiers ou policières. Comme si la police ne faisait jamais rien de mal, comme si elle n’abusait jamais de son pouvoir, comme si elle était toujours irréprochable. Mais pourquoi en serait-il autrement, puisque le Bureau des enquêtes indépendantes est composé en grande partie de policiers et policières à la retraite qui ont automatiquement tendance à protéger les leurs.
Pour que la « police de la police » soit autre chose que de la poudre aux yeux pour faire taire ceux et celles qui réclament justice lorsque la police abuse de son pouvoir, il faudrait qu’au moins la moitié des équipes d’enquête soient composée de représentant.e.s du public, y compris de criminologues et de représentant.e.s des victimes. Il faudrait aussi une représentation équitable des minorités visibles, des autochtones et des femmes. Mais la police n’aime pas qu’on se mêle de ses affaires et ne démontre aucun intérêt à changer quoi que ce soit. Seul le gouvernement pourrait changer les choses, et pour cela, il faudrait de la volonté politique. Si la tendance se maintient, ce n’est pas pour demain.
D’ici à ce que cela change, avant même que l’enquête commence au sujet de l’incident qui s’est produit à Campbellton l’an dernier, croire que le policier inculpé sera reconnu coupable de voies de fait relève d’une naïveté digne des contes de fées.
Bernadette Landry est une militante qui écrit pour la COOP Média NB.