La politique agricole au Canada est un domaine de compétence partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux (FPT). L’instrument politique le plus important est le Cadre stratégique pour l’agriculture (CSA), négocié tous les cinq ans par les gouvernements FTP, qui comprend traditionnellement environ 3 milliards de dollars en dépenses publiques. Le prochain CSA, en cours de négociation en ce moment, se déroulera de 2023 à 2028. Les ministres FPT de l’agriculture se réunissent le 20 juillet à Saskatoon pour signer l’accord-cadre.
Jusqu’à très récemment, les gouvernements canadiens ne considéraient pas le secteur agricole comme un acteur important dans la lutte contre les changements climatiques. Les déclarations de politique du gouvernement ne faisaient qu’une référence passagère au climat. Le terme « changement climatique » est apparu pour la première fois dans la lettre de mandat du ministre fédéral à la fin de 2020.
Cependant, selon Fermiers pour la transition climatique (FTC), le secteur de l’agriculture ne dispose toujours pas d’un soutien suffisant de la part des gouvernements pour aider les agricultrices et agriculteurs à passer à des pratiques à faible émission de carbone. Les gouvernements des États-Unis dépensent 13 fois plus que ceux du Canada pour les programmes environnementaux en agriculture par acre. L’Union européenne dépense 73 fois plus.
L’agriculture représente environ 12 % des émissions canadiennes totales et les changements climatiques sont une menace de taille pour l’industrie. « Les changements climatiques ont un impact direct sur les récoltes de notre ferme de pommiers », explique la fermière ambassadrice pour FTC, Bernadette Goguen, de la ferme Marcel Goguen située à Cocagne au Nouveau-Brunswick. « Notre ministre de l’Agriculture, de l’Aquaculture et des Pêches rencontre ses égaux le 20 juillet pour décider de l’avenir de l’agriculture au Canada. Si nous voulons avoir une chance réelle de lutter contre les changements climatiques, une transition vers une agriculture plus respectueuse du climat doit avoir lieu maintenant. »
Plusieurs agricultrices et agriculteurs néo-brunswickois·es sont passionné·es par l’agriculture d’une manière qui profite au climat et à l’environnement. Elles et ils expérimentent et innovent, développant des pratiques telles que le travail réduit du sol, les cultures de couverture et le pâturage en rotation qui peuvent réduire les émissions de gaz à effet de serre et séquestrer des tonnes de carbone atmosphérique dans nos sols.
Recommandations d’expert·es
À la fin de l’année dernière, FTC a réuni un groupe de travail d’expert·es pour examiner les possibilités d’atténuation et d’adaptation au changement climatique dans le cadre de la politique agricole. FTC a réuni les meilleur·es chercheur·euses, économistes et expert·es en politiques et les a jumelés avec des agricultrices et agriculteurs qui ont une expérience sur le terrain.
Le résultat de ce travail est une feuille de route complète pour réduire rapidement les émissions et accroître l’adaptation dans les fermes canadiennes. Le groupe de travail a identifié 19 pratiques de gestion bénéfiques qui répondent aux critères établis par les agricultrices et agriculteurs : éprouvées, pratiques et abordables. Ces pratiques recommandées comprennent des mesures visant à réduire tous les principaux gaz à effet de serre produits par l’agriculture canadienne : l’oxyde nitreux (provenant principalement de l’utilisation de fertilisants azotés), le méthane (provenant principalement de l’élevage du bétail) et le dioxyde de carbone (provenant des combustibles fossiles et de la conversion des terres humides et des forêts en terres cultivées).
Au total, les recommandations du groupe de travail de FTC réduiraient les émissions de 14 % sur la durée de vie de cinq ans du prochain cadre politique et augmenteraient la séquestration dans les sols agricoles de plus de six millions de tonnes d’équivalent CO2 chaque année. Cela nécessiterait un investissement gouvernemental d’environ 2,1 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Le coût d’atténuation reviendrait alors à 40 $/tonne. En comparaison, l’an dernier seulement, 3,7 milliards de dollars ont été versés en réclamations d’assurance-récolte en raison de conditions météorologiques extrêmes partout au Canada.
« Les changements climatiques coûtent chers aux agricultrices et agriculteurs, ainsi qu’au gouvernement », précise Barbara Somerville, fermière de bovins à Juniper. « Nos fermes nourrissent nos communautés et nous avons besoin d’un plan qui tient compte des changements climatiques si nous voulons continuer à pouvoir le faire de manière durable. »
La dernière fois que les ministres FPT de l’Agriculture se sont rencontrés, en octobre de l’année dernière, ils ont publié l’énoncé de Guelph qui place l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques au premier rang de leurs priorités. Leur rencontre à la fin du mois sera un test de leur véritable détermination et de leur engagement. Les fermières et fermiers néo-brunswickois·es et canadien·nes ont élaboré une feuille de route scientifique pour un avenir plus durable. Est-ce que les dirigeant·es politiques le suivront?
Geneviève L. Latour est membre du Groupe de travail sur les relations avec les gouvernements provinciaux de Fermiers pour la transition climatique.