Une caricature publiée dans l’édition du 17 août de l’Acadie Nouvelle a causé un tort considérable à de nombreuses communautés, en particulier aux femmes et aux personnes d’origine musulmane ici au Nouveau-Brunswick. Bien que cette caricature ait été retirée du site Web de l’Acadie Nouvelle, elle a été publiée dans la version imprimée. L’image est le signe d’une rhétorique qui nuit aux communautés minoritaires, en particulier celles d’origine ou d’ascendance musulmane.

La caricature représente deux hommes, l’un semblant venir de la préhistoire et l’autre portant une tenue de galabeya, et deux femmes traînées par ces hommes. À première vue, l’image laisse perplexe et confus. Je ne suis pas musulman. Je fais cette analyse en tant que témoin des forces extérieures qui façonnent les expériences des individus. En tant que tel, je ne propose pas une connaissance ou une analyse de l’Islam, mais plutôt des récits qui perpétuent les perceptions négatives de l’Islam et des musulman·e·s.
Ce dessin exprime un récit colonial qui soutient une hiérarchie des sexes et traite les personnes racisées comme des objets d’amusement, de divertissement et de “trolling.”. Laissez-moi vous expliquer.
Si la caricature semble simpliste, elle est chargée de représentations du pouvoir sur de nombreux groupes. Tout d’abord, la représentation du pouvoir sur les femmes. J’utilise l’expression “pouvoir sur” parce que le dessin montre des hommes qui se tiennent debout et en contrôle de leurs mouvements tout en traînant les femmes dans la direction qu’ils souhaitent. Cette représentation s’inscrit dans le cadre de la présentation de la hiérarchie des sexes, notamment par sa description de la servitude absolue des femmes et de l’affirmation du contrôle total des hommes sur les femmes.
Deuxièmement, la représentation des hommes comme dominants positionne directement les femmes comme victimes ou cibles de cette domination. La matraque et le pistolet sont des instruments permettant d’affirmer cette domination dans un contexte sexospécifique, initiant une représentation du contrôle total et/ou de la soumission totale des victimes. Dans les situations de violence domestique ou entre partenaires intimes, les instruments de pouvoir alimentent un sentiment d’impuissance que l’on peut constater chez les deux femmes au sol. Dans le même sens, cette représentation présente ces instruments de pouvoir comme nécessaires à l’assujettissement des femmes. À l’inverse, elle refuse aux femmes le sentiment d’être capables de déterminer leur propre voie.
Troisièmement, et peut-être le plus nuisible de tous, cette caricature dépeint les musulmans comme violents, barbares et indomptables. Il s’agit d’un stéréotype bien connu des organisations médiatiques occidentales qui cherchent à défendre des “valeurs égalitaires” tout en positionnant ces valeurs comme exclusivement occidentales et donc inexistantes ailleurs dans le monde. Cependant, la caricature révèle également une relation troublante mais vraie entre les groupes de miliciens comme les Talibans et le traitement qu’ils réservent aux femmes. Si cette représentation sonne juste, elle est néfaste car elle positionne l’Islam comme un groupe de personnes violentes sans reconnaître les millions de musulmans pacifiques dans le monde qui embrassent des valeurs égalitaires et traitent les femmes avec respect.
L’anonymat de la femme perpétue l’idée que les femmes musulmanes sont des victimes définies uniquement par leurs vêtements. Cela prive les femmes musulmanes, et toutes les femmes par la même occasion, de la capacité fondamentale de s’autodéterminer plutôt que de s’en remettre aux hommes. Bien que je ne pratique pas l’Islam, j’ai des amis et des membres de ma famille qui choisissent de porter des objets religieux et culturels comme une expression de leur autonomie, de leur appartenance à leur foi et de leur lien avec leur culture.
En conclusion, la caricature s’inscrit dans le cadre des tropes familiers que les organisations médiatiques occidentales régurgitent dans le but de simplifier, généraliser et condenser les modes de vie de nombreuses communautés à travers le monde. Elle présente les communautés, en particulier celles issues des modes de vie musulmans et non occidentaux, comme chaotiques et violentes au milieu des nations occidentales civilisées. La victime sans visage sur le sol dépeint le mystère des femmes musulmanes qui portent des burkas et l’urgence de les sauver. Cette caricature est naïve, simpliste et déplacée pour toute organisation qui cherche à bâtir des communautés au Nouveau-Brunswick ou ailleurs. Ce récit nous nuit à tous et toutes, et nous devrions oser défier les organisations qui perpétuent une telle idéologie.
Ivan Okello est un éducateur et un immigrant vivant au Nouveau-Brunswick et passionné par la construction de ponts vers des communautés inclusives.