À la fin du mois de février 2023, la Fédération des associations de professeures et professeurs du Nouveau-Brunswick (FAPPUNB) a comparu devant le Comité spécial des universités publiques de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick. À cette occasion, la FAPPUNB était représentée par le professeur Jean Sauvageau, président sortant de son bureau de direction, et Lise Robichaud, sa directrice générale.
Notre objectif en comparaissant devant le Comité spécial des universités publiques était de contribuer à la discussion sur les universités publiques tenues à l’occasion de ses audiences annuelles commencées depuis 2018, en y ajoutant les perspectives du corps professoral.
La Fédération des associations de professeures et professeurs d’université du Nouveau-Brunswick (FAPPUNB), qui représente environ 1 500 membres du corps professoral de six campus dans les quatre universités publiques de la province, préconise la promotion de leur profession, la protection de l’autonomie institutionnelle des universités et de la liberté universitaire, et vise à améliorer la qualité de l’éducation et de la recherche postsecondaires de la province. Elle est très reconnaissante d’avoir finalement été invitée cette fois-ci et remercie sincèrement les personnes qui ont contribué à la réalisation de cet objectif.
Lors de ses propos introductifs, M. Sauvageau a défini les concepts centraux que sont la liberté académique et de l’autonomie institutionnelle des universités publiques, tout en expliquant que contrairement à ce qu’on entend souvent leur respect ne se fait pas au détriment du recrutement et de la rétention des personnes étudiantes ; de l’employabilité des détentrices et détenteurs de diplômes ni de la création d’emploi. Une valeur centrale au cœur de la mission de la FAPPUNB est l’accès à une éducation postsecondaire de qualité dans les universités publiques du Nouveau-Brunswick pour les personnes étudiantes d’ici et d’ailleurs à travers le monde.
La présentation au Comité a principalement porté sur les divers sujets discutés ci-dessous.
L’écart du pourcentage des détentrices et détenteurs de diplômes universitaires au Nouveau-Brunswick, comparativement à l’ensemble du Canada, a continué de croître au cours des deux dernières décennies. En 2000, ce taux au NB était 12,5 %, à 3,1 % en dessous du taux national; bien qu’il ait augmenté pour atteindre 22,8 % en 2021, l’écart avec le taux national est maintenant de 5,3 %.
La FAPPUNB constate également depuis plusieurs années une érosion dans le financement des universités publiques par les gouvernements provinciaux. D’après des données obtenues de la Commission des études supérieures des Provinces maritimes (CESPM), c’est en 1979-1980 que le financement provincial aux universités publiques du Nouveau-Brunswick a atteint son sommet, s’élevant à 82,1 % de leurs coûts totaux de fonctionnement. Depuis lors, le taux de financement du fonctionnement des universités publiques a baissé et se situait à 56 % en 2019-2020.
Une conséquence de l’érosion du financement des universités publiques par les gouvernements provinciaux est l’augmentation chronique par les universités des frais de scolarité pour tenter de pallier leur manque à gagner depuis une quarantaine d’années. Ainsi l’endettement étudiant s’accroît partout au pays, les personnes diplômées des universités du Nouveau-Brunswick étant les plus endettées au Canada, et de beaucoup d’ailleurs. Selon les chiffres les plus récents de Statistique Canada traités par l’Alliance étudiante du Nouveau-Brunswick (AENB), la dette étudiante moyenne d’un diplômé récent au Nouveau-Brunswick est d’environ 40 000 $, alors que la moyenne nationale est de 28 000 $ (Statistique Canada, 2015).
La concurrence féroce à laquelle se livrent les universités des diverses provinces, dont le Nouveau-Brunswick, en particulier en ce qui a trait au recrutement des personnes étudiantes francophones au pays et à l’international, est une autre conséquence de l’érosion du financement par les gouvernements provinciaux. Cette concurrence a poussé certaines provinces, dont notamment le Québec et l’Ontario, à réduire les frais de scolarité pour les francophones hors province, ceci ayant pour effet la diminution de l’attractivité de nos universités francophones.
La culture de dépendance croissante des universités en ce qui concerne les enseignantes et enseignants à statut précaire est une autre conséquence importante de l’érosion du financement des universités publiques. Les universités dépendent de plus en plus d’enseignants à contrat de courte durée à temps plein pour un, deux ou trois ans, et d’enseignants à temps partiel, embauchés au cours, pour livrer leurs programmes. Cette situation d’emploi est inéquitable pour nos collègues à statut précaire. Actuellement, environ 30 % des cours dans les universités publiques du Nouveau-Brunswick sont enseignés par des chargés de cours. Ainsi le nombre de professeures et professeurs permanents disponibles pour l’accompagnement et l’encadrement académique des personnes étudiantes, la participation aux divers comités et services essentiels à la gouvernance collégiale des universités diminuent, résultant en un épuisement croissant des professeures et professeurs à temps plein permanent, surtout au lendemain de la pandémie du Covid.
Un autre sujet abordé, et qui revient souvent dans les médias est l’appel aux universités à devenir des « agences de recrutement d’immigrants » par le biais du recrutement des étudiants internationaux. La FAPPUNB souligne que les universités ne sont pas outillées pour jouer ce rôle. Recruter des personnes étudiantes et recruter des immigrants sont deux choses complètement différentes. Les universités néobrunswickoises sont prêtes à accueillir et accompagner tous ceux et celles qui veulent venir étudier, apprendre et travailler au N.-B. Les universités et leurs corps professoraux feront leur part pour aider la province à solutionner son problème démographique, mais sans que cela devienne leur rôle et responsabilité.
Aussi revenant souvent dans les médias depuis les dernières années est la volonté du ministère de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail d’arrimer l’éducation postsecondaire au marché d’emploi. Ceci a mené, à titre d’exemple, à la mise au rencard du programme Connexion AE (Assurance-emploi) qui donnait des prestations d’assurance-emploi aux personnes étudiantes en cours d’études, et ce, sans avertissement ni solution de rechange. Une telle décision a sûrement négativement affecté les inscriptions dans les universités en raison du nombre de personnes étudiantes qui ont dû laisser tomber leurs études ou qui n’ont pas été en mesure d’entamer leurs études universitaires en raison de ce soudain manque à gagner. Et c’est sans compter le nombre de personnes étudiantes qui devront maintenant dédier de nombreuses heures à un emploi qui leur permettra de rester aux études, mais au détriment potentiel de leurs résultats académiques.
Le financement des universités fondé sur le rendement préconisé par le gouvernement du Nouveau-Brunswick ne fonctionne pas. La FAPPUNB, entre autres, le fait valoir depuis plusieurs années. Diverses études indépendantes, évaluant les résultats du financement fondé sur le rendement, mis en œuvre depuis plus de 30 ans dans divers pays à travers le monde, ont échoué à prouver le succès de cette approche de financement du service public qu’est l’éducation postsecondaire. Aussi, ces études ne peuvent que constater l’absence d’un effet de pipeline direct entre les programmes d’études et les secteurs d’emploi, notion souvent utilisée pour justifier le concept du financement fondé sur le rendement. Ce qui fonctionne, et qui a été démontré par des études indépendantes depuis plusieurs années, ce sont les frais de scolarité abordables et un endettement étudiant réduit au minimum. La FAPPUNB a publié en janvier 2020, un Exposé de position concernant la mise en œuvre du financement fondé sur le rendement dans les universités publiques du Nouveau-Brunswick qui contient plusieurs informations sur le sujet.
Pour conclure, la FAPPUNB tient à faire valoir les trois points suivants : a) la nécessité d’un plan de financement universitaire en fonction des véritables besoins de la mission d’enseignement et de recherche des universités ; b) la nécessité d’un plan de réduction de l’écart entre le pourcentage de diplômés du Nouveau-Brunswick et la moyenne canadienne – écart qui autrement s’agrandit, un plan qui passe fort probablement par une réduction significative des frais de scolarité ; c) la nécessité d’un dialogue continu et ouvert entre les universités, incluant le corps professoral, les associations étudiantes, les membres de la haute direction des universités et le ministère de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail pour une véritable synergie des actions.
Par ailleurs, une campagne bilingue de la FAPPUNB de sensibilisation sur les enjeux de l’éducation universitaire et pour mieux connaître les membres du corps professoral de la province en particulier est en cours sur des réseaux sociaux, Facebook et Twitter @fnbfa.
Hector Guy Adégbidi est le président de la Fédération des associations de professeures et professeurs d’université du Nouveau-Brunswick (FAPPUNB).