[Note de la rédaction : Ce texte a été diffusé publiquement par l’autrice sur son profil de Facebook le 12 avril, 2023, et a circulé sur les médias sociaux. En moins de deux jours, il a été partagé 150 fois et a reçu 57 commentaires. Le comité de rédaction de la COOP Média NB a trouvé pertinent de le partager avec nos lectrices et lecteurs pour illustrer le racisme et l’islamophobie qui persistent dans la province du Nouveau-Brunswick. L’autrice a bien voulu nous laisser republier le texte et nous l’en remercions. Le texte a été corrigé et formaté pour notre publication avec l’aval de l’autrice.]
Aujourd’hui, mercredi 12 avril, j’accompagnais un nouvel arrivant qui faisait ses courses à Caraquet. [Tout se passait bien] jusqu’à ce qu’un monsieur “avec un état mental bien en place,” s’approche de moi et me parle en anglais (sous prétexte que je suis immigrante donc je ne parle pas français!).
[Il m’a dit] : “Are you allowed to wear that here?” [As-tu le droit de porter ça ici?]
Je ne comprends pas et je réponds: “To wear what?” [Porter quoi?]
Il me répond : “This thing on your head.” [Cette chose sur ta tête.]
Je réponds : “Are you allowed to wear your shirt?” [As-tu le droit de porter ta chemise?]
Il me répond : “Yes, but not you.” [Oui, mais toi non.]
Je réponds : “Is there any rule that said I’m not allowed to wear it?” [Y-a-t’il un règlement qui dit que c’est interdit de le porter?]
Il répond, en haussant le ton : “YOU ARE NOT ALLOWED TO WEAR THIS IN CARAQUET” [TU N’AS PAS LE DROIT DE PORTER ÇA À CARAQUET] et poursuit : “WE DON’T WANT YOU IN CANADA” [ON NE TE VEUT PAS AU CANADA.]
Je réponds : “Talk about yourself, not in the name of all the Canadians.” [Parle pour toi, pas au nom de tous les Canadien·ne·s]
Et, il me sort la fameuse phrase : “WE DONT WANT YOU HERE. GO BACK TO YOUR COUNTRY.” [NOUS NE VOULONS PAS DE TOI ICI. RETOURNE CHEZ TOI.”
Le stagiaire qui m’accompagnait lui a dit de s’arrêter. Le stagiaire est un homme, parce que visiblement, ce monsieur n’a pas peur d’affronter une femme mais il s’est calmé quand un homme lui a dit de s’arrêter. Il continue quand même son chemin en parlant mal.
Quelques secondes plus tard, nous croisons une gentille femme au prénom de Claire. Nous parlions tous ensemble et je lui ai raconté ce qui venait de se passer. Elle était tellement énervée et se sentait si mal qu’elle avait les larmes aux yeux.
On s’est séparé et on s’est recroisé à nouveau et, qui voilà ? L’homme qui a tenu des propos racistes et islamophobes, qui lui dit de ne pas parler avec nous… La dame ne collaborant pas avec lui, il se met en colère et recommence à dire des mots islamophobes.
J’ai pu filmer une seule partie où le monsieur dit : “Dans son pays, en IRAK, ils ont tué une belle jeune fille parce qu’elle avait mal porté son foulard… pis on va avoir ça par icitte, fu*king marde.”
Déjà, je ne sais pas où est-ce qu’il a vu que je venais de l’Irak! Et, depuis quand on tue des femmes en Irak parce qu’elles ont mal porté leur voile? Ce n’est pas parce-que je ne suis pas Blanche et que je porte un voile que je viens du Moyen-Orient. Bref, va expliquer ça à un ignorant.
Je suis formatrice en multiculturalisme et je trouve qu’il y a encore beaucoup de travail à faire… À son âge, l’éducation doit encore être sa priorité.
J’aurais pu rentrer chez moi et oublier cette histoire et ne pas la rendre publique mais NON!
Combien de femmes ont été harcelées avant moi et le seront après parce qu’elles portent un voile sur la tête ? Et, combien de personnes sont sujettes à ce genre de situation car elles sont différentes de couleur de peau ou de religion?
Dire que le racisme n’existe pas et que tout le monde est accueillant dans la Péninsule acadienne, c’est faux ! Le racisme et l’islamophobie existent partout. Seul Dieu sait combien sont les hommes et les femmes qui pensent comme cet homme.
Enfin, merci à toutes les dames qui se sont impliquées et l’ont arrêté, et à la directrice et aux employé·e·s de l’IGA de Caraquet de s’être excusé·e·s pour lui, de lui avoir interdit de mettre les pieds dans leur magasin et d’avoir appelé la police. Merci d’avoir fait ce qu’il fallait. J’espère que la justice s’occupera de lui!
Sonia Ryma Ait Kheddache est agente de développement pour le Comité d’accueil, d’intégration et d’établissement des nouvelles et nouveaux arrivant·e·s de la Péninsule acadienne et le Réseau mieux-être de la péninsule acadienne à Shippagan.