Les contribuables du Nouveau-Brunswick ont été exploités à hauteur de 173 millions de dollars, et rien ne permet de croire que l’on mettra fin à l’utilisation d’agences privées à but lucratif. Quant aux infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick, ils sont nombreux à quitter la province et la profession.
En tant que présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick (SIINB), je ne suis pas surprise des conclusions du rapport du vérificateur général sur les contrats des infirmières et infirmiers d’agence, mais je suis consternée et déçue du manque de surveillance de la part de nos régies régionales de la santé et du ministère du Développement social. Ils ont négligé de s’assurer qu’ils en avaient pour leur argent. Le déploiement d’équipes, nécessaires ou non, et les factures qui ne justifient pas les frais sont les signes d’une entreprise qui a reçu carte blanche pour prendre les contribuables à la gorge. Pendant ce temps, les effectifs infirmiers du Nouveau‑Brunswick, qui se sont présentés jour après jour, poste après poste, avec peu ou pas de reconnaissance, ont été négligés.
Les gens du Nouveau-Brunswick méritent mieux, de même que les infirmières et infirmiers. Nous devons reprendre en main notre système de santé publique et faire en sorte que les profits ne fassent pas partie de la prestation des soins.
Cela ne signifie pas que la transition se fera en douceur. Dans un monde parfait, nous n’aurions pas ces conversations; les unités seraient dotées d’un personnel adéquat et la population du Nouveau‑Brunswick serait bien soignée. La réalité d’aujourd’hui contraste fortement avec cet idéal, et il s’agit d’une réalité coûteuse que les contribuables doivent comprendre.
Nous reconnaissons que les infirmières et infirmiers d’agence ont contribué à combler le manque de personnel dans les collectivités mal desservies – sans eux, de nombreux établissements ne pourraient y arriver. Le problème est que le gouvernement et les employeurs ne parviennent pas à atténuer ce qui avait été prédit il y a de nombreuses années : la pire pénurie d’effectifs infirmiers depuis des décennies. Le gâchis dans lequel nous nous trouvons aurait pu être évité.
Est-il juste de dire que le gouvernement du Nouveau-Brunswick est le seul responsable du manque de surveillance de ces contrats? Pas encore. Il faudra attendre d’avoir d’autres renseignements sur qui savait quoi et quand.
Nous ne pouvons pas non plus blâmer la pandémie pour ces contrats. Le rapport du vérificateur général conclut que la pandémie n’a fait que mettre en relief la pénurie de personnel de santé, fait que nous mentionnons au gouvernement depuis des années. Le rapport n’a pas non plus démontré de corrélation entre l’utilisation d’infirmières et de personnel d’agence et les cas de COVID.
Il est juste de dire que les autorités régionales de santé évoluent dans un contexte où les mesures désespérées sont inévitables. Le gouvernement Higgs est le dernier d’une longue série de gouvernements qui ont constamment ignoré nos avertissements pendant des années en faveur de mesures d’austérité et de solutions sans trop de profondeur.
Le gouvernement actuel a enregistré des surplus budgétaires records au cours de son mandat. Pendant ce temps, les infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick sont les moins bien payés au Canada. Les quarts de travail complets sont de plus en plus rares, et le personnel infirmier doit travailler avec des ressources limitées pendant des quarts de travail de 24 heures, et parfois plus. Le gouvernement provincial a rejeté nos demandes d’incitatifs au maintien en poste – une mesure importante qui apporterait à notre système de soins de santé une stabilité cruciale en matière de ressources humaines, en particulier si des exigences de « retour de service » font partie d’un accord de maintien en poste. Cette mesure rapprocherait également la rémunération de nos effectifs infirmiers de celle de leurs homologues de l’Atlantique, ce qui pourrait contribuer à faire en sorte que davantage d’infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick choisissent de rester dans le système public, où l’on a désespérément besoin d’eux.
Ces circonstances ne sont pas le fruit du hasard. Elles découlent du manque de respect de plusieurs gouvernements consécutifs à l’égard de la profession infirmière et du programme de privatisation du gouvernement actuel. Il est facile d’imaginer pourquoi une infirmière ou un infirmier du Nouveau-Brunswick pourrait en avoir assez et partir. Beaucoup trop l’ont déjà fait.
Nous demandons au gouvernement du Nouveau-Brunswick d’agir dans l’intérêt des gens du Nouveau‑Brunswick et du système de santé qu’ils méritent. Il peut commencer par écouter les personnes qui connaissent le mieux le système et avoir des discussions sérieuses avec elles.
Paula Doucet est la présidente du Syndicat des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick, une organisation syndicale représentant environ 8 900 infirmières et infirmiers qui travaillent dans divers établissements de santé au Nouveau-Brunswick.