Dans le cadre du prestigieux festival image+nation, le documentaire musical Y’a une étoile de Julien Cadieux a de nouveau brillé sur les écrans montréalais.
Le lieu de projection, Montréal, pourrait souligner la relation, peut-être tendue, entre l’Acadie et sa voisine, le Québec, où de nombreux jeunes artistes acadiens affluent pour poursuivre leur carrière artistique – un sujet que le film scrute auprès des diverses personnes qu’il dépeint.
Avant le long métrage, les spectateurs ont découvert puissant un court métrage réalisé par Cadieux — une représentation artistique du corps d’un danseur masculin, face à la violence, qui trouve refuge (i) dans la féminité du maquillage, (ii) dans les plis fluides du drapeau libanais, (iii) dans les bras d’un autre homme, et enfin, (iv) au Canada.
Sur une trame musicale inspirée du recueil de poésie Acadie Road de Gabriel Robichaud, ce court métrage présente le Canada comme un lieu de sécurité pour une personne persécutée en raison de son identité sexuelle.
Le long métrage Y’a une étoile, évoque également Acadie Road — une œuvre acadienne bien connue qui consacre un poème à chacune des nombreuses villes de l’Acadie.
Le film de Cadieux est une sorte de tournée queer, mettant en lumière, non seulement les villes de l’Acadie, mais ses véritables habitants aussi. Cette subtile intertextualité est, peut-être, un hommage à une culture acadienne pérenne qui puise dans sa perspective unique, et qui est profondément enracinée dans le lieu.
Y’a une étoile suit Samuel LeBlanc, un jeune musicien trans et lycéen, qui parcourt l’Acadie avec les membres de son groupe — deux femmes queers —, chantant et engageant des conversations avec la communauté acadienne. Les couleurs sombres du court-métrage sont remplacées dans le long métrage par des pastels éclatants.
Le motif du tissu fluide, tel qu’aperçu avec le drapeau libanais dans le court métrage de Cadieux, réapparaît ici : d’abord avec la robe blanche d’une des personnes interviewées, flottant derrière elle alors qu’elle conduit un VTT, puis avec la robe aux couleurs du drapeau acadien portée par une drag queen, s’envolant alors qu’elle se produit sur un bateau.
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Ce motif, de tissu, deviendra-t-il la signature de Cadieux ? Les deux films, projetés en tandem, rappellent de manière frappante les défis posés à l’identité queer, selon la localisation géographique – Liban et Acadie.
À son meilleur, le film de Cadieux présente l’Acadie rurale comme un lieu où les personnes queers peuvent vivre des expériences heureuses et épanouies.
Pourtant, plusieurs personnes interviewées, y compris LeBlanc, racontent avoir été confrontées au dilemme de quitter l’Acadie pour une grande ville. LeBlanc se souvient s’être demandé s’il devait s’investir dans sa culture LGBTQ+ ou dans sa culture acadienne — mais le film de Cadieux illustre parfaitement comment LeBlanc, et d’autres comme lui, peuvent embrasser ces deux dimensions.
Cela dit, l’une des personnes du film, femme transgenre, affirme avoir dû quitter l’Acadie pour pleinement exprimer son identité trans. D’autres mentionnent la peur de la violence ou, tout simplement, la peur d’être le sujet des commérages, une expérience qui touche aussi leurs familles.
Certaines personnes ont mentionné avoir été confrontées à de la confusion – ou de l’hostilité – autour de la question des pronoms, en particulier le pronom neutre « iel ».
À cet égard, l’Acadie, telle que représentée dans le film de Cadieux, n’est donc ni une utopie queer ni une dystopie. Son film est plutôt une exploration de la manière dont l’expérience queer peut se déployer en milieu rural.
Contrairement aux clichés du cinéma de masse, le film de Cadieux met en scène le corps queer dans un cadre familial, local et rural avec une esthétique « camp » — jeunes musiciens et musiciennes queers dînant chez Mamie, par exemple. Le film célèbre aussi la musique d’Angèle Arsenault, la chanteuse acadienne dont une des chansons donne son titre au film.
Le documentaire de Cadieux atteint son sommet queer en remettant en question l’association populaire entre identité queer et milieu urbain, un des débats majeurs de la théorie queer. Il explore comment la culture queer peut marquer la tradition acadienne, dans laquelle Cadieux s’enracine profondément.
Dean Farrell est doctorant en études irlandaises à l’Université Concordia, et travaille sur la littérature queer de langue irlandaise. Originaire de l’Irlande, il a vécu au Nouveau-Brunswick de 2018 à 2021.