Le mouvement populaire en faveur d’un changement de nom pour l’Université de Moncton, apparu en 2023, continue de prendre de l’ampleur, malgré la tentative de l’Université de mettre fin à la discussion. C’est la douzième fois que la question d’un changement de nom est soulevée depuis la création de l’université acadienne au début des années 1960.
La décision de l’Université de mettre fin à sa participation à la discussion semble contrevenir à son propre plan stratégique actuel, qui l’engage à analyser toutes ses actions pour trouver des occasions de soutenir la décolonisation et d’accroître son rapprochement avec la communauté acadienne.
L’association de neufs chefs Mi’gmaq de la province, Mi’gmawe’l Tplu’taqnn, est favorable à un changement « vers un nom plus approprié et inclusif ».
Dans leur lettre éloquente adressée à l’Université, les chefs disent qu’ils sont en faveur d’un changement de nom des endroits
qui portent actuellement des noms considérés comme offensants ou racistes, ou des lieux/espaces qui ont été nommés d’après des personnages historiques qui auraient pu causer des traumatismes à des groupes et à des cultures… Le lieutenant-colonel Robert Monckton a été un personnage historique clé de la Guerre de Sept Ans et de la prise du Fort Beauséjour; il a également dirigé l’expulsion des Acadiens ou « Le Grand Dérangement » à partir de 1755… Des hommes, des femmes et des enfants ont violemment été arrachés à leurs foyers et aux terres qu’ils cultivaient depuis un siècle. Leurs maisons ont été brûlées et leurs terres données à des colons fidèles à la Grande-Bretagne… Cet événement est largement considéré comme un crime contre l’humanité. Au cours de cette période, les Mi’gmaqs ont offert refuge et protection à de nombreux Acadiennes et Acadiens. Cela a contribué à renforcer une relation mutuelle qui se maintient encore de nos jours. C’est pourquoi les chefs Mi’gmaq du Nouveau-Brunswick soutiennent l’Université dans sa démarche pour changer son nom par un nom plus inclusif et moins offensant. Du point de vue des Mi’gmaqs, c’est tout simplement la bonne chose à faire.
L’histoire du nom de ce fleuron glorieux de l’Acadie, l’Université de Moncton, n’est pas glorieuse, même si ce n’est pas la faute de ses fondateurs. Il s’agit d’un choix de compromis, adopté lors de la création de l’université au début des années 60, choisi parce qu’il était neutre et moins susceptible de provoquer les anglophones autant que, disons, l’Université Acadienne. À une époque où le Nouveau-Brunswick et Moncton n’étaient pas encore officiellement bilingues, où les élus et les citoyens exprimaient ouvertement leur mépris des francophones et leur opposition aux institutions francophones, l’Acadie a fait ce qu’il fallait pour obtenir son université : elle lui a donné un nom de guerre.
Le comité de citoyens qui dirige maintenant la campagne principale pour changer le nom a recueilli 72 suggestions pour un nouveau nom, y compris des suggestions humoristiques – Université d’Icitte, Université
Acadieman. Ils ont ensuite analysé les suggestions en fonction de critères définissant ce qui constituerait un bon nom, critères déterminés après consultation du public et par des bénévoles spécialisés dans l’histoire, l’éducation, la toponymie et la géographie.
Un vote préférentiel est maintenant en cours. Jusqu’au 22 mars 2025, les membres du public qui appuient un changement de nom ont la possibilité de choisir parmi les trois noms qui répondent le mieux aux critères : Université d’Acadie, Université francophone Atlantique, Université Nouvelle-Acadie. Le site web et la page de vote de l’opération nouveau nom se trouvent à l’adresse suivante : nouveaunom.ca
Le décès récent d’Antonine Maillet, la plus célèbre écrivaine de l’Acadie, a amené plusieurs personnes à suggérer l’ajout de l’Université Antonine-Maillet aux choix. Le Comité citoyen affirme que l’exécuteur
testamentaire de Madame Maillet a demandé que son nom ne soit pas ajouté à la liste et a rappelé que Madame Maillet avait publiquement appuyé l’un des noms déjà inscrits sur le bulletin de vote – l’Université
Nouvelle-Acadie.
Bien entendu, le processus de vote actuel ne décidera pas du nouveau nom. Le vote est un exercice de démocratie citoyenne, organisé en partie pour inciter les gens à réfléchir à des noms appropriés pour l’université bien-aimée. Ce que l’on peut espérer, c’est que l’université s’engage dans un processus de consultation ouverte de la communauté acadienne et francophone sur un changement de nom.
Comme le dit le Comité citoyen pour un nouveau nom, le nom de l’établissement d’enseignement supérieur phare du peuple acadien – la plus grande université de langue française en milieu minoritaire au Canada – est inadéquat. Il cache le fait que l’université est acadienne, francophone, provinciale et qu’elle a été créée à partir de trois composantes égales – Edmundston, Moncton et Shippagan. Voilà une raison suffisante pour changer de nom. Son nom devrait affirmer qui nous sommes.
L’Université, au cours des 60 dernières années, a contribué à l’avènement de l’Acadie moderne, mais aujourd’hui, son nom ne reflète pas cette Acadie.
Rosella Melanson est un membre du Comité citoyen pour un nouveau nom.