En raison des récentes discussions au sujet des sans-abris à Moncton, le visionnement d’un nouveau film devient intéressant.
Notre Dame de Moncton a récemment été à l’affiche dans les cinémas du Nouveau-Brunswick. Ce film, le deuxième long métrage de la réalisatrice acadienne Denise Bouchard, est une belle réflexion sur la famille, autant choisie que biologique, et sur la trahison. Il est produit par la société de production Bellefeuille Production Limitée, basée à Moncton.
Le personnage principal du film, Anna, est mise à la rue à Moncton par le propriétaire de sa maison de chambres lorsqu’elle n’est plus en mesure de payer le loyer. Les récents rapports faisant état de plus de 400 personnes sans abri dans la ville de Moncton rendent cette situation particulièrement pertinente. En plein hiver, Anna doit chercher des endroits pour se réchauffer dans toute la ville et finit par vivre clandestinement dans le sous-sol d’une résidence.
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La comédienne Laurie Gagné incarne le personnage d’Anna, une toxicomane au passé tumultueux qui se retrouve en détresse financière. Nous la rencontrons à un moment de crise : elle est sur le point de retrouver le fils dont la garde lui a été enlevée près de vingt ans auparavant et elle vient d’être mise à la porte de sa maison de chambres car elle n’a pas payé son loyer.
Bien qu’elle ait été présente au théâtre et à la télévision, surtout au Québec, ce n’est que le deuxième film de Gagné. Cependant, elle brille dans le rôle de la mère itinérante torturée et réussit avec facilité à séduire les autres personnages et le public.
Le fils de Gagné est joué par Thomas Lapointe, un jeune acteur originaire d’Edmundston, au Nouveau-Brunswick. Étant donné son rôle d’introverti timide dans le film, il est difficile de croire que Lapointe fait carrière comme humoriste.
M. Lapointe a fait une tournée dans sa province natale en faisant du stand-up avec trois autres amis en juin 2022. Ayant étudié le théâtre à l’Université de Moncton, le jeune acteur s’est fait connaître dans une émission de téléréalité québécoise intitulée “L’appartement” à partir de 2020.
Deux superbes actrices et un caméo exceptionnel complètent la distribution.
Frédérique Cyr-Deschênes, également originaire d’Edmundston, est une actrice et chanteuse acadienne. Elle joue le rôle d’Estelle, la serveuse qui se lie d’amitié avec la mère et le fils, et qui devient l’objet de l’affection de Lapointe. La présence de Cyr-Deschênes à l’écran est captivante.
L’actrice et écrivaine québécoise Louise Turcot, lauréate de nombreux prix, joue le rôle de Victorine, une femme âgée dont le mari décède subitement. La vaste expérience de Turcot en tant qu’actrice se reflète dans la confiance qu’elle affiche dans une scène sexuelle particulièrement cocasse du film. Le personnage de Turcot est rempli de force et de fragilité.
Le poète acadien Jean-Philippe Raîche joue le rôle merveilleusement exagéré du commis de grand magasin, à la fois piquant et compatissant. Bien qu’il ne soit présent que dans quelques scènes, Raîche a un impact par sa personnalité abrasive qui se heurte à celle de l’affable Anna.
En effet, Notre Dame de Moncton présente une écriture étonnante, qui métisse subtilement tension et émotion. On peut attribuer à la scénariste Mélanie Léger le mérite d’une histoire brillamment discrète et pourtant très touchante.
Léger est une dramaturge de Moncton qui a écrit dix pièces qui ont été portées à la scène. Elle est également une actrice et une réalisatrice de documentaires primée.
La cinématographie du film, signée John Ashmore, fait de Moncton un autre protagoniste du film : la rivière Petitcodiac, les ponts de la ville, les parcs, le café Notre Dame de Parkton et les lumières de la ville la nuit.
La vaste expérience d’Ashmore en tant que directeur de la photographie sur une variété de projets de cinéma, de télévision et de vidéo se manifeste pleinement dans les beaux détails des plans, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur.
Un article paru en janvier 2022 dans le journal québécois Le Devoir s’ouvrait sur cette déclaration consternante : « Soyons francs : on attend toujours avec une certaine appréhension les séries canadiennes de fiction produites dans la francophonie hors Québec… ».
Notre Dame de Moncton témoigne une fois de plus que la production artistique acadienne n’a aucune honte à avoir. Au contraire, le dynamisme et la pertinence de la production artistique dans cette province sont tout à fait remarquables et le film de Bouchard en témoigne pleinement.
Sophie M. Lavoie est membre du comité de rédaction de la Coopérative des médias du Nouveau-Brunswick.