Je viens de terminer mon cent millième bol de riz au poulet. Le poulet est épicé avec des épices libanaises, de l’ail et du citron, comme je l’aime, avec beaucoup d’hummous et du chou frisé sauté, même si ma grand-mère (Sito) aurait fait des épinards.
Je suis libanaise de troisième génération, c’est-à-dire que je suis née ici, tout comme mes parents et ma Sito.
Son père a été le premier Libanais à s’installer à Fredericton. Ils étaient « autorisés » à vivre à Devon, du côté nord de la ville, et étaient colporteurs. C’est ce qu’ils avaient le droit de faire pour gagner leur vie. Je les appelle les premiers Walmart : ils se déplaçaient à pied avec une charrette pour vendre des marchandises aux communautés voisines comme Minto et Chipman. À pied !
Ils se sont fait des ami.e.s, ont tissé des liens de confiance et ont créé une communauté. À l’époque, ils n’étaient pas autorisés à ouvrir des commerces dans le quartier sud de Fredericton. Cela s’est fait plus tard, dans les années 1930. Ils se réunissaient avec d’autres Libanais le dimanche pour pique-niquer et se retrouver autour de la nourriture qu’ils aimaient et d’autres personnes. D’autres familles libanaises de Moncton et de St. John se rassemblaient aussi parfois. Ce que j’aime dans cette histoire, c’est que les colporteurs de Moncton et de St. John ainsi que ceux de Fredericton n’empiétaient pas sur les territoires des autres : ils voulaient que tout se passe bien.
Je suis sûre qu’ils ressentaient une certaine discrimination lorsqu’ils se rendaient à pied dans les communautés éloignées. Mais les gens avaient besoin de boutons, de laine, de fil et de tissu, etc.
Depuis, de nombreuses personnes sont venues du Liban à Fredericton.
Je me souviens d’avoir grandi sans parler la langue libanaise parce qu’à l’époque de mon père, c’était mal vu. Mes parents voulaient s’intégrer, s’assimiler.
Lorsque nous étions jeunes, mes parents voulaient la même chose pour nous. Mais nous avions l’amour de la nourriture et des réunions de famille, et c’était tellement amusant !
D’autres nouveaux Libanais nous disaient que nous n’étions pas “vraiment” Libanais.e.s parce que nous ne parlions pas la langue. Cela m’a profondément blessée.
Les Canadien.ne.s me demandaient d’où je venais et je répondais « d’ici » et ils disaient « non vraiment, d’où tu viens ? »
Je me suis donc sentie un peu écartée. Mais en grandissant, j’ai su que j’avais la culture libanaise dans le sang et dans les os et que cela n’avait pas d’importance si je ne pouvais pas parler la langue. La culture est dans mon cœur.
Donc, alors que je suis assise ici et que je mange la nourriture que j’aime et dont j’ai toujours envie, je suis remplie de joie. Je suis si fière d’être une descendante d’ancêtres Libanais.e.s et de vivre à Fredericton où nous avons maintenant le droit de vivre partout dans la ville et d’avoir des commerces dans le sud de la ville !
Lisa Wilby est une fière habitante de Fredericton d’origine libanaise qui a été propriétaire d’un restaurant libanais populaire, le Cedar Tree Café. Wilby a publié une version de ce texte sur son mur Facebook le 5 juin 2024.