Pendant des décennies, des centaines de coupes de fonds ont fait mourir notre système public de soins et ça nous rends fous de rage. Plusieurs d’entre nous sont arrivés.es à la conclusion que la privatisation pourrait nous sortir de notre marasme. Alarmant ! Il faut de toute urgence chercher à convaincre ceux et celles qui croient à ce fantasme et qui sont un peu ouverts.es et beaucoup le sont, que ce n’est qu’une fantaisie.
Comment notre système de soins en est-il arrivé à ce point de mal fonctionnement ?
La privatisation du système de santé se faisait discrètement, à petits pas en 2016. Elle est arrivée à sa pleine vitesse en 2022. Et ce tempo ne fait qu’augmenter. Le phénomène a été bien documenté dans le rapport de la New Brunswick Health Coalition (NBHC) et par d’autres sources qui seront citées ici et dont les travaux sont plus récents.
Les grands médias ont mal présenté les nombreuses critiques faites à cette politique de déplacement de soins financés par la puissance publique y compris ses conséquences à long terme. En fait elles ont été ignorées. C’est particulièrement évident au Nouveau-Brunswick où virtuellement tous les journaux sont la propriété du réseau de droite Postmedia et par Brunswik News Inc., anciennement propriété des descendants de feu le multimillonnaire, K.C. Irving.
Le fil de la privatisation au Nouveau-Brunswick
Les plus ardents contributeurs à ce courant politique ont été le Parti progressiste conservateur actuellement au pouvoir avec son premier ministre, M. Blaine Hggs depuis 2018. Il nous avait pourtant annoncé sa sortie pour 2022.
Cette année, M. Higgs et son entourage ont augmenté la vitesse des transferts des soins de santé publics vers le secteur privé sous couvert de « partenariats publics-privés ». Durant les deux derniers plans de ce type un programme pilote de gestion a servi de véhicule. Il concerne les traitements de dépressions majeures qui seront administrés par une compagnie à but lucratif de gestion de soins de santé. Un soit disant programme plus valable de surveillance de la médication a été accordé à compagnie de technologie en soins de santé également à but lucratif. Ce dernier programme a été annoncé à coups de fanfare mais les médias, sauf quelques exceptions, ne l’ont guère interrogé.
C’est une politique qui vient de plus loin. Les dernières décisions de privatisations des services de santé de l’actuel gouvernement conservateur s’appuient sur celles du gouvernement libéral (provincial) à la fin des années 1990. Elles ont augmenté jusqu’au milieu des années 2000. (On peut trouver sur l’original de l’article la liste des institutions et services ainsi privatisés).
Depuis 1997, les services de santé du Nouveau-Brunswick ont été entourés ou mis en partenariat avec des entreprises privées et d’autres organisations par les gouvernements libéraux et conservateurs à tour de rôle. Ils ont ainsi compromis notre système public de soins. Ces services, (ceux existant à l’époque) dans le secteur public, étaient administrés par des agences de la New Bruswick Crown Corporation et aussi, au début de 2008, par la New Brunswick’s Horizon Health Network, pour la population anglophone et Vitalité Health Network pour les Francophones.
La bénéficiaire la plus importante de cette politique est sans contre-dit, Medavie qui possède Medavie Health Services et Medavie Blue Cross. Ce sont des entreprises privées sans but lucratif. Medavie gère en ce moment, sept services essentiels dans la province dont les services ambulanciers, les médicaments, les services externes et NB Health Link.
Les transferts opérés par le gouvernement Higgs vers les entreprises privées et des organisations, ont une autre allure. On en compte 12 durant ses 7 ans au pouvoir. Contrairement aux gouvernements libéraux de Frank McKenna, Shawn Graham et Brian Gallant qui ont largement favorisé une compagnie, Medavie, le gouvernement de Blaine Higgs a attribué des contrats de services et signé des ententes avec toute une série d’entreprises à but lucratif, 10 en fait, et avec deux sans but lucratif. (…)
Cette politique des deux administrations d’accord pour la privatisation de la majorité du système de soins l’a littéralement incorporée chez, Medavie Health Services, pour 7 services, et Clinidata Inc, Accreon Inc, Shannex Intrahealth CPI Card Group, Medavie Blue Cross, New Brunswick Medical Society, Maple, Acadie-Bathurst Ophthalmology, Beal University, Oulton College, Canadian Health Labs, WINMAR Hamilton, Miramichi Cataract Surgical Centre, Edmunston Medical and Surgical Eye Centre, Canadian Health Solutions Inc et Leap Orbit LLC, pour 1 service chacun et chacune.
Et alors ? Formater les attitudes envers la privatisation
Pour beaucoup, rien d’alarmant dans ça. Plusieurs au Nouveau-Brunswick et ailleurs au Canada y compris ceux et celles pour qui la situation personnelle n’oblige pas à bénéficier des services privatisés, embrassent sans inquiétude le point de vue des « promoteurs » de cette politique. Il faudra beaucoup de discours convainquants pour les faire changer d’opinion. Ne dit-on pas que les services rendus par les entreprises sont de meilleure qualité ? L’effet est immédiat attaché qu’il est au cynisme qui classe les services publics du côté de l’inefficacité et du coût élevé, de ce qui passe pour de la bureaucratie gouvernementale.
Le public sous-estime le rôle subversif joué par les membres conservateurs et libéraux influants.es dans le dénigrement et la diabolisation du gouvernement en général, qui a commencé au cours des années 1970. C’est le travail incessant des groupes de réflexion de droite qui a fait que tant de personnes adhèrent aux idées qui s’affichent contre tout ce qui est « gouvernement ». Leurs arguments en faveur de la privatisation des soins de santé reviennent toujours au même. Paraphrasant le New Brunswick Common Front for Social Justice, ces avocats.es de la privatisation rassurent le public :
Les entreprises du secteur privé peuvent donner de meilleurs services médicaux parce qu’elles sont par nature plus efficaces et innovantes que les bureaucraties gouvernementales et de plus, peuvent le faire en réduisant les coûts pour le gouvernement et les contribuables. Pour rassurer les sceptiques, on invoque parfois que ces entreprises (…) devraient promettre d’examiner et évaluer les services qu’elles vont assumer.
Ces promesses sont énormes et séduisantes dans leur présentation. L’intention ultime est de rassurer le public que l’opération peut ne pas être permanente si les résultats attendus ne sont pas atteints. Mais bien des exemples de surveillance et d’annulation de ces privatisations une fois saisies par le capital privé montrent que c’est aussi difficile que de trouver une aiguille dans un tas de foin. Et les promesses de rationalisation se sont avérées le plus souvent être illusoires.
Le débat national sur la privatisation des services de santé
Dans les grands médias canadiens cette illusion est respectable et le débat sur les mérites de la privatisation des services de santé est souvent présenté sans critique et de manière biaisée. Il s’y trouve un manque d’arguments contraires ou de vérification des faits quant aux bénéfices proclamés par les promoteurs de la privatisation. Souvent les transactions sont présentées comme nobles, créatives de solutions pour sauver un système qui est dans les câbles, spécialement lorsque des entreprises sans but lucratif sont en cause.
Comparativement, les interventions du Premier ministre ontarien, M. D. Ford, pour présenter les solutions « fortes et innovantes » de son administration aux problèmes du secteur de la santé ont reçu une couverture nationale importante. M. Ford et sa ministre de la santé, Mme Sylvia Jones ont assuré à répétition que les patients.es pourraient toujours se servir de leur carte d’assurance maladie provinciale, qu’ils et elles n’auraient pas à utiliser leurs cartes de crédit personnelles alors que la privatisation va de l’avant dans la province.
Ces réassurances découlent des actuels transferts planifiés de services de santé et de chirurgie vers les capitaux privés. Et D. Ford ajoute, s’appuyant sur le Premier ministre libéral J. Trudeau, que ces transferts sont en phase avec la Loi canadienne sur la santé.
Cette affirmation devrait enrager la plupart des Canadiens.nes compte-tenu de l’affection que nous portons dans tous les partis, pour Tommy Douglas, le père de la loi sur l’assurance maladie et au système lui-même qui donne accès aux soins sans égards à la richesse des patients.es, qui est basé sur les besoins (de soins).
Dans un récent exposé, The Breach a traité de l’assaut de D. Ford contre les services de santé publics dans sa province. Le texte a traité de trois avantages de la privatisation selon ses promoteurs : 1- les coûts sont moindres, 2- cela permet de réduire considérablement les listes d’attente et 3- les capacités sont largement augmentées. La démonstration a été faite que ce sont là des mythes qu’aucune preuve ne corrobore. Au contraire, avec la privatisation, les coûts augmentent, les temps d’attente (pour les soins) sont plus longs et le système public est ainsi privé de ses travailleurs.euses essemtiels.les, il se dégrade.
Par ailleurs, l’organisation Canadian Doctors for Medicare a produit une analyse de la politique défendue par les tenants de la privatisation. Elle est centrée sur quatre arguments : 1- les services privés permettent de diminuer le temps d’attente (pour les soins) dans le secteur public, 2- la propriété privée à but lucratif des installations de soins génèrent de meilleurs résultats pour la santé (de la population), 3- le financement privé rend la dispensation des soins plus efficace, 4- nous ne pouvons plus financer le secteur public.
Aucune preuve de ces affirmations n’a été trouvée. De fait, 1- le temps d’attente pour les soins n’est réduit que pour ceux et celles qui ont les moyens de payer. L’attente est ainsi empirée pour les autres. 2- La recherche du profit n’améliore pas la qualité des soins, bien au contraire. 3- Le système public de soins dépenses moins en administration ce qui signifie plus de fonds qui sont attribués directement aux patients.es. 4- Le présent défi de financement du service public prend racine dans l’obligation (qu’à la population) de payer des services privés pour remplacer ce que les services publics ontariens ne dispensent pas. La solution réside donc dans l’amélioration du système public, pas dans son démantèlement.
Même si les critiques de The Breach et de Canadian Doctors for Medicare concernent l’Ontario, la situation est semblable partout au pays. Et les arguments de D. Ford en faveur de la privatisation sont les mêmes que ceux mis de l’avant par le Premier ministre Higgs au Nouveau-Brunswick.
Le problème de fond de la privatisation des services gouvernementaux
La réaction des populations du Nouveau-Brunswick et d’ailleurs au Canada est influencée par les notions simplistes de bonnes et mauvaises entreprises. Avec de telles notions, les transferts vers des entreprises privées sans but lucratif posent moins de problèmes et la démarche est perçue plus éthique que celle menant à des transferts vers des entreprises à but lucratif.
Ce qui est évacué ici, c’est que même les transferts vers les entreprises sans but lucratif retirent aux citoyens.nes et aux élus.es le pouvoir d’intervenir sur ce qui a été transféré de façon à s’assurer que les services sont vraiment dirigés vers les besoins du public plutôt que vers les désirs des personnes en charge de ces services.
Cette vérité s’applique à toutes les entreprises ayant pris en mains des services qu’elles soient avec ou sans but lucratif, qu’elles ne soient qu’une partie d’une grande compagnie couvrant tout le pays comme Medavie ou par des professionnels.es de la province comme les médecins regroupés dans New Brunswick Medical Society.
Suivons la trace de l’argent…comme si c’était si simple !
Pour atteindre les tenants et aboutissants de la poussée vers la privatisation il faut bien sûr « suivre l’argent ». Qui en bénéficie, ou s’y attache, dans ces transferts de services essentiels du secteur public vers n’importe quelle compagnie ou organisation à but lucratif ou non ?
Bien sûr, personne, sauf ceux et celles impliqués directement, ne peut savoir ce qui s’est passé derrière les portes closes durant les arrangements avec New Brunswick Medical Society, Medavie et la myriade d’autres compagnies ou organisations qui présentement gèrent une partie critique des soins de santé dans la province. Aucun.e lanceur.euse d’alerte n’a été là pour suivre l’argent ni au Nouveau-Brunswick ni ailleurs au Canada. Le rapport de New Brunswick Health Coalition de 2022 nous dit pourquoi :
Notre première source d’information sur la qualité des services rendus et sur les coûts de la privatisation devrait être les rapports annuels des différents ministères du gouvernement. Malheureusement, ils ne donnent pas d’information suffisamment détaillée pour que le public puisse avoir une idée de l’impact des ententes de privatisation.
L’autre source d’information pourrait être dans les rapports des diverses compagnies impliquées dans la privatisation, disponibles sur le Web. Mais la plupart de ces rapports ne sont pas accessibles au public, donc impossible de connaitre leur performance ou comment elles font face aux difficultés.
Des décennies de sous-financement gouvernemental persistant
Comment, au Nouveau-Brunswick, le système de santé en est-il arrivé à ce niveau de mal fonctionnement ? Le manque de médecins et d’infirmiers.ères occupe les discussions dans notre système malade et vraisemblablement plus du tout fonctionnel. Ici, comme ailleurs au Canada, beaucoup n’ont pas de médecin de famille ou d’infirmier.ère praticien.ne et vont chercher leurs soins dans les cliniques sans rendez-vous ou dans les salles d’urgence des hôpitaux qui manquent de personnel.
En 2023, le New Bruswick Health Council rapportait qu’en 1997, moment où la privatisation a commencé, presque toute la population avait un accès à médecin de famille. En 2023, la proportion était descendue à 79%. Même si les politiques d’austérité et de privatisation du gouvernement ne sont pas les seules responsables de l’échec du recrutement des médecins, d’infirmiers.ères et autres professionnels.les de soins, les résultats de cette enquête devraient faire comprendre qu’au Nouveau-Brunswick et dans n’importe quelle juridiction canadienne, la privatisation ne nous sortira pas de la crise dans les soins médicaux.
Ici, au Nouveau-Brunswick, la cause essentielle de cette crise est le sous-financement du système par les deux partis qui ont occupé le pouvoir. Récemment, la New Brunswick Medical Society a critiqué le gouvernement Higgs pour son budget 2024 qu’elle a qualifié de complètement inadéquat, « conçu pour allonger les listes d’attente » pour des soins. De fait, ce budget n’offre aucune possibilité de stabiliser encore moins de transformer le système médical en déroute. Pourquoi ? À cause de décennies de sous-financement.
Comme nous le rappelle Tracy Glynn, quand « les services médicaux sont inadéquats, le secteur privé entre en jeu et profite des besoins » ainsi ouverts. Dans de telles circonstances, ce genre d’intervention est souvent intéressé. (Le tout se décide) avec des agences sans gêne aucune, derrière des portes closes dans des salles de réunions où tous les arrangements sont négociés. Pour paraphraser Noan Chomsky, les standards techniques de la privatisation exigent que le gouvernement cesse de financer ou sous-finance les services et s’assure qu’ils ne fonctionneront pas. Ainsi la colère de la population s’exprime permettant au gouvernement de transférer ces services déficients aux compagnies privées.
États d’esprit et propagande
La majorité de la population du Nouveau-Brunswick est en colère avec raison devant la faillite de notre système de santé. Même si cela se passe partout au Canada, ici, les conséquences de la privatisation son pires.
L’Institut Angus Reid a procédé à un sondage sur les visions de la population des points de vue politique et démographique quant à la privatisation des services de santé. Trois états d’esprit y ont été retenus pour des fins analytiques : 1- des services publics purs et durs, 2- avec des composantes privées, 3- expression de curiosité avec de l’hésitation. Les répondants.es de cette catégorie ont été qualifiés.es de « sympathiques aux arguments des deux côtés du débat ».
Les répondants.es attachés.es aux services publics purs et durs se situaient dans la catégorie de la population la plus éduquée et avaient tendance à voter pour le NPD ou le Parti libéral alors que ceux et celles qui acceptaient des composantes privées avaient tendance à avoir de très hauts revenus et à voter pour le Parti conservateur. Les autres avaient un diplôme d’étude secondaire ou moins.
On peut décrire cette dernière catégorie comme vulnérable et désespérée. Elle est vulnérable financièrement et à cause de son faible niveau de formation. Elle est aussi désespérée parce qu’elle est confrontée à un plus haut niveau des souffrances et de mort parce qu’elle doit naviguer à travers ce système complètement désorganisé. Dans ce genre de système les chances de succès reposent sur l’habilité de la personne à défendre sa propre cause médicale. Tommy Douglas n’a sûrement jamais imaginé que l’accès à de bons soins allait reposer sur l’habilité des personnes à naviguer dans notre système national de soins à l’échelle locale.
Actuellement, selon son niveau d’éducation, de ses conditions économiques ou ses convictions politiques, la population de la province rassemble ses forces pour faire face à une autre envolée de privatisation avec ses conséquences. Certains.es sont confus.es à ce sujet. Les vulnérables et les désespérés.es peuvent se questionner plus que d’autres à propos de ce que cette nouvelle situation pourra vouloir dire pour elles et eux, leur entourage et la société toute entière. La propagande peut aussi les toucher plus fortement par rapport à la réduction des bénéfices publics d’un gouvernement qui rétréci, se retire de l’obligation de donner des soins en transférant tout cela à des propriétaires plus « efficaces » dans le secteur privé plus « créatif ».
Dans ce contexte l’évaluation de la propagande est une préoccupation majeure, étant donné les réalités économico-sociales dans la province : 1- un haut niveau de pauvreté relative et absolue par rapport à l’ensemble du Canada, 2- les niveaux insuffisants d’éducation acquis, 3- les connaissances en alphabétisation, en calcul sont faibles et les habiletés en résolution de problèmes également.
Ici, il faut être prudents.es à propos du fait que la population du Nouveau-Brunswick serait plus sensible à la propagande autour des meilleurs bénéfices en soins de santé avec la privatisation. Le sondage Angus Reid place la province dans la catégorie plus large des « provinces atlantiques » ce qui crée un certain biais.
Ceci dit, une des questions de ce sondage est particulièrement pertinente : « Les provinces diminuent intentionnellement les services de santé pour rendre ceux des compagnies privées plus attrayants ». Seulement 39% des répondants de toutes les provinces atlantiques sont d’accord avec cette assertion. 19% ont dit ne pas savoir ou ont refusé de se prononcé. Donc, 61% des répondants.es à ce sondage ont exprimé de l’incrédulité ou du scepticisme devant la perspective que leur gouvernement diminuerait intentionnellement les services publics de santé pour paver la voie à de futures privatisations.
Cette conviction est le parfait exemple canadien de la confiance que nous avons dans nos institutions publiques et en même temps elle est très inquiétante. En effet, en ces temps de restrictions économiques, un tel degré de méconnaissance ouvre la porte toute grande aux idéologues du « marché libre » et à leurs acolytes du secteur privé qui planifient et mettent en marche la dégradation de ces institutions qui éloignent les loups envieux.
Contrer la privatisation et en finir
Au Nouveau-Brunswick c’est par l’éducation et une bonne stratégie de communication que passe la solution. Avec ces outils, les citoyens.nes, pourront élire des députés.es engagés.es à reconstruire et soutenir le système public de soins.
Nous sommes à l’aube d’une nouvelle campagne électorale et l’opposition pourra facilement critiquer l’échec du Premier ministre Higgs et de son administration à résoudre la crise du système de santé de la province. Ses résultats sont terribles et il ne peut s’appuyer là-dessus (pour se faire réélire). Mais ces critiques manqueront le but si elles ne se concentrent que sur une simple amélioration des services proprement dits.
Il faut que ces critiques envers Ms Higgs, Ford et les autres engagent les populations à penser aux « racines » des causes de la crise. Il faut aussi comprendre qu’il est futile et mal avisé de pelleter vers l’avant, vers les compagnies privées et autres organisations, cela ne nous mènera pas vers un meilleur fonctionnement du système.
Il faut insister pour dire que M. Higgs n’est pas un pragmatique même s’il se présente ainsi dans la presse. Ses déclarations et ses actions révèlent qu’il croit vraiment que les « meilleures pratiques » de distribution des services publics, en santé et ailleurs, ne peuvent venir que de celles de base dans la gestion d’affaires, celles que les entreprises privées adoptent et pratiquent. Si une telle foi dans le « libre marché » n’a pas été introduite par Ronald Reagan durant les années 1980, son amplification l’a été. Elle continue d’être le socle de plusieurs conservateurs.trices du Canada et d’autres néolibéraux. Nous en avons la preuve constamment. Les meilleurs gouvernements sont ceux qui gouvernent le moins selon cette idéologie et l’histoire de l’austérité continue.
Il est clair que M. Higgs et ses collègues ont adopté cette vision « reagonesque » du rôle du gouvernement et sont vraisemblablement incapables de la remettre en question. Cela mettrait en danger toute leur conception de la santé et des fonctions de notre système de soins.
Perspectives et actions de la gauche au Nouveau-Brunswick
Les critiques de la part des corporations et du milieu alternatif à propos du mal fonctionnement chronique (du système de santé) ont largement manqué le coche dans les médias. Envers le manque de médecins, d’infirmiers.ères, du défaut de soutient du personnel qui fait face à nombre de décès tragiques dans les urgences, des patients.es qui décèdent avant d’être vus.es. Comme les leaders politiques, aucun.e n’a manifesté l’intention de prendre les mesures radicales appropriées pour agir sur les causes fondamentales de la crise et travailler à les corriger avec un plan d’action holistique et intégré.
Même si la cheffe du Parti libéral, Mme Susan Holt, a déclaré qu’elle était contre toute future privatisation dans le secteur, elle se trouve en porte-à-faux puisque c’est son Parti qui a commencé cette politique dans les années 1990, les a étendues au début des années 2000 et à nouveau en 2017. On peut légitimement se demander s’il mérite notre confiance. Surtout quand on se souvient de la propension de ce Parti à faire de beaux discours avant l’élection et à n’en faire qu’à sa tête une fois au pouvoir.
Le NPD provincial et le Parti de l’alliance du peuple sont tous les deux relativement dépourvus de membres et d’influence générale. Ils sont virtuellement invisibles dans la bataille provinciale pour le système de santé public. C’est un triste commentaire qui reflète la diminution de l’influence du centre-gauche et des partis populistes dans la province.
Le porteur de flambeau pour un changement en profondeur, pourrait être le Parti vert et son chef David Coon. Il a déclaré que l’enjeu des grandes entreprises dans la santé serait présent lors de la prochaine élection provinciale. C’est encourageant d’autant plus que la critique du Parti en matière de santé, Mme Megan Mitton a publié une mise en garde sur les dangers de la privatisation. Mais les paroles et les réprimandes ne sont qu’un début. Jusqu’à maintenant, le Parti n’a rien dit sur les moyens qu’il compte prendre pour renverser la lourde tendance à la privatisation du système public de soins au Nouveau-Brunswick ou pour tenter de mettre en place des alliances politiques capables de défaire des décennies de sous-financement et d’affaiblissement de ces institutions.
Que faut-il ? : un financement adéquat et le retour des services dans le secteur public
Avant la prochaine élection, il doit y avoir un campagne d’éducation sur les raisons fondamentales qui font que le système s’effondre : le sous-financement chronique du système public et en même temps que son transfert vers les capitaux privés par l’actuel gouvernement et ses prédécesseurs. Ce message doit être communiqué clairement et efficacement en démontrant les liens entre les deux.
Pendant des décennies, des centaines de coupes de fonds ont fait mourir notre système public de soins et ça nous rends fous de rage. Plusieurs d’entre nous sont arrivés.es à la conclusion que la privatisation pourrait nous sortir de notre marasme. Alarmant ! Il faut de toute urgence chercher à convaincre ceux et celles qui croient à ce fantasme et qui sont un peu ouverts.es et beaucoup le sont, que ce n’est qu’une fantaisie.
Sans rechercher vraiment les causes (de cette situation), les tentatives parcellaires d’améliorer ce système dégradé sont vouées à l’échec. Si des décisions fermes ne sont pas prises contre la privatisation et ses agents.es dans le gouvernement, nous sommes en grave danger de perdre une part importante de ce qui définit une société décente, soit un système auquel tous et toutes ont accès pour recevoir des soins de santé de qualité.
Gary Heathcote est professeur adjoint en anthropologie à l’Université St. Thomas à Fredericton. Il soutient et contribue occasionnellement à New Brunswick Media Co-op. Il est un des 90,000 citoyens.nes de la province sans médecin de famille ou autre professionnel de la santé.
Pour une étude encore plus approfondie à ce sujet, Santé Inc, Mythes et faillites du privé en santé, par Anne Plourde, Écosociété, Montréal, 2024.
La version originale de cet article en anglais a été publiée par Canadian Dimension le 7 août 2024.
La version originale de cet article en français a été publiée par Presse toi à gauche le 3 septembre 2024.