Note de l’éditeur : Cette lettre, rédigée par le défenseur de longue date des soins de santé publics Jean-Claude Basque et signée par près de 100 personnes, a été envoyée au premier ministre Blaine Higgs et à tous les députés de l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick le 21 octobre 2022. Quelques jours plus tard, le 26 octobre, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a présenté un projet de loi visant à permettre à l’Assurance-maladie de payer un plus grand nombre de chirurgies et de procédures médicales à l’extérieur des hôpitaux.
Monsieur Higgs,
Nous sommes très préoccupés, nous croyons comme vous, par la situation qui perdure dans notre système public de santé. Nous ne dresserons pas la liste des différents défis auxquels il fait face, car comme député, vous les connaissez sûrement autant que nous. Nous aimerions cependant souligner notre profonde préoccupation quant à la tendance du gouvernement à se tourner de plus en plus vers le système privé ou à but non lucratif pour résoudre les présentes difficultés de notre système public.
Comme vous le savez, le gouvernement a déjà sous-traité à Médavie-Croix Bleue, la pleine gestion de certains services de santé (AmbulanceNB, Hôpital extra-mural, Télé-Soins-811). Récemment, il a signé avec des entreprises privées des ententes qui coutent très cher, avec entre autres la compagnie de soins virtuels, eVisitNB et avec le Centre d’Ophtalmologie Acadie Bathurst.
Les annonces de ces ententes par le gouvernement et la régie ont fait grand cas du fait que nous n’aurons pas à payer de notre poche pour ces services et pourrons utiliser notre carte d’assurance-maladie. Vous nous demanderez donc pourquoi nous nous opposons à de telles ententes; permettez-nous d’énumérer les raisons de notre désaccord.
Perte de contrôle : En nous tournant vers les entreprises privées ou à but non lucratif pour la livraison de services de santé, nous perdons le contrôle de notre système public de santé. Nous perdons le contrôle sur la direction que nous voulons donner au système, sur le personnel, sur les infrastructures, sur l’équipement, sur la technologie, sur les montants investis, etc. Se tourner de plus en plus vers le privé veut essentiellement dire que nous mettons en place un système à deux vitesses.
Imputabilité : Le système public de santé doit rendre des comptes aux députés et à l’Assemblée législative. De cette façon, nous pouvons tous savoir ce qui se passe et avons un droit de regard. Lorsque nous donnons la gestion ou payons des entreprises privées pour des services de santé, nous perdons complètement l’accès à l’information, car elles évoquent la confidentialité et la protection de leurs intérêts commerciaux pour nous la refuser. Quant aux entreprises à but non lucratif, elles ne
rendent pas compte au public, mais à leur conseil d’administration et invoquent, elles aussi, la confidentialité des renseignements.
Concurrence : Les entreprises privées ou à but non lucratif ont besoin de personnel (médecins, infirmières, techniciens, gestionnaires, formateurs, etc.). Comme vous le savez, il y a présentement une pénurie importante de personnel dans le système public. Pour fonctionner, le système privé doit alors « voler » des employés directement de notre système public, réduisant sa capacité à livrer les services à l’ensemble de la population. Le secteur privé se concentre sur les services plus rentables (cataracte, soins virtuels, etc.) et laisse au public les services plus onéreux (cancer, dialyse, maladie mentale, etc.), mais essentiels.
Couts : Les entreprises privées ont été créées pour faire de l’argent. Elles ont besoin de récupérer leurs couts d’investissement pour la location ou l’achat de locaux, pour l’équipement, pour attirer du personnel avec des salaires plus alléchants que ceux du système public et surtout, il ne faut pas l’oublier, pour faire un profit. Ces couts supplémentaires sont inclus dans les contrats conclus avec notre gouvernement. Ces services nous coutent donc plus cher que s’ils étaient fournis par notre système public. Ces argents sont détournés du secteur public pour enrichir des investisseurs privés. Quant aux entreprises à but non lucratif, bien que la motivation ne soit pas le profit comme tel, la rémunération et les avantages sociaux des dirigeants représentent un moteur important et elles sont loin d’être des entreprises altruistes.
Accessibilité dans les régions : Les entreprises privées ou à un but non lucratif s’installent dans les régions à haute densité de population, c’est-à-dire Moncton, Fredericton, Saint-Jean. L’accroissement des ententes avec le privé va réduire les services en région, va occasionner des frais supplémentaires de déplacements, et d’hébergements pour les populations rurales.
Services dans sa langue : L’accès aux services dans la langue officielle de son choix sera compromis. La privatisation des soins de santé fragilise les droits linguistiques et obligera les citoyens et les citoyennes à se battre devant les tribunaux pour des droits acquis.
Qualité de service : Dans notre système public de santé, nous avons des normes de qualité que tous doivent suivre et dont l’application est surveillée. À moins d’abandonner les normes de qualité, le transfert au secteur privé va exiger l’établissement d’un système de contrôle et par conséquent occasionnera un cout supplémentaire à la charge du public.
Grandes corporations : Lorsqu’on donne de plus en plus la gestion ou la livraison de services de soins de santé à l’extérieur de notre système public, nous créons les conditions idéales pour la concentration dans de grandes corporations. Le meilleur exemple est Médavie-Croix Bleue qui gère AmbulanceNB, l’Hôpital extramural, Télé-Soins-811, et le programme de médicaments du Nouveau-Brunswick. Ces grandes corporations à but non lucratif ou à but lucratif sont alors en bonne position pour décider de l’orientation de notre système de santé. Elles ont du personnel, de l’expertise, de l’argent pour faire du lobbying auprès de nos décideurs publics, pour de la publicité et ainsi influencer les orientations futures qui répondront à leurs intérêts privés plutôt qu’au bien commun.
Perte de soutien : Notre système public coute cher, mais il est accessible à tous et à toutes, sans égard au portefeuille de la personne. Pour le maintenir et l’améliorer, le soutien constant du public est nécessaire. En privatisant de plus en plus, on mine le soutien d’une partie de la population à notre système public et l’on prépare son effritement.
Monsieur Higgs, avant les années 1960, nous avions un système de santé privé ; nous nous en sommes débarrassés, car la majorité de la population n’y avait pas accès. Nous sommes certains que vous êtes d’accord avec nous que nous ne voulons pas retourner en arrière.
Veuillez agréer nos sentiments les plus sincères.
Signataires
Jean-Claude Basque, Moncton
Chantal Abord-Hugon, Moncton
Greg Allain, Dieppe
Anne-Marie Arseneault, Moncton
Samuel Arseneault, Moncton
Maurice Aubé, Ste-Rosette
Alex Bailey, Fredericton
Albertine Basque, Tracadie
Ron Batt, Moncton
Jean- Luc Bélanger, Dieppe
Steve Berube, Riverview
Léo Blanchard, Moncton
Denis Boulet, Haut-Madawaska
George Bourgeois, Grande-Digue
Hélène Branch, Moncton
Alphonse Breault, Tracadie
Roland Brideau, Moncton
Fernande Cantin, Dieppe
Daniel Caron, Dieppe
Louis Caron, Campbellton
Michele Caron, Dieppe
Leslie Chandler, Moncton
Hilaire Chiasson, Balmoral
Jules Chiasson, Moncton
Omer Chouinard, Moncton
Auréa Cormier, Moncton
Hector Cormier, Moncton
Irma Cormier, Bathurst
Monique Cormier-Daigle, Moncton
Pierre Cormier, Dieppe
Denise Cyr, Tracadie
Alain Deneault, Shippagan
Jean-Eudes Doucet, Pointe-Verte
Suzanne Doucet, Moncton
Suzanne Doucet, Balmoral
Rhéal Drisdelle, Dieppe
Yolande Drisdelle, Dieppe
Thérèse Duguay, Tracadie
Lise Éthier, Moncton
Liliane Ferguson, Dieppe
Lise Gagné-Losier-Tracadie
Marie-Gabrielle Gagnon, Fredericton
Pauline Gallant, St-Louis de Kent
Huberte Gautreau, Moncton
Julie Gilet, Moncton
Louise Guérette, Edmundston
Yvette Godin, Dieppe
Dirk Groenenberg, Rusagonis
Rose-Marie Haché, Moncton
Léoline Hétu, Dieppe
Nicolas Kalgora, Moncton
Sarah Kardask, Sackville
Bernadette Landry, Dieppe
Georgette Landry, Moncton
Romain Landry, Dieppe
Serge Landry, Moncton
Nicole Lang, Edmundston
Jeanne Lanteigne, Pointe-Verte
Lucienne Lanteigne, Moncton
Rose-Hélene Lanteigne, Ste-Rosette
Brigitte Lavoie, Moncton
George Leaman, Riverview
Gladys LeBlanc, Dieppe
Armand La Blanc, Dieppe
Simone Leblanc-Rainville, Moncton
Claude Léger, Shediac
Daniel Légère, Memramcook
Raymond Léger, Bertrand
Ginette LeGresley, Bathurst
Claire Levesque, Campbellton
Julien Massicotte, Edmundston
Yvon McGraw, Pointe à Tom
Robert McKay, Moncton
Rosella Melanson, Fredericton
Jean-Marie Nadeau, Moncton
Simon Ouellette, Fredericton
Jean Pereira, Grande-Digue
Johanne Perron, Dieppe
Serge Plourde, Allardville
Denise Boucher Pineault, Moncton
Rachelle Poirier, Shédiac
Susie Proulx-Daigle, Fredericton
Maurice Rainville, Moncton
Jeanne Renault Moncton
Noëlla Richard, Dieppe
Rosemonde Richard, Losier Settlement
Lise Savoie, Moncton
Marc H. Savoie, Moncton
Marie-Thérese Séguin, Moncton
Louis-Marie Simard, Cocagne
Claude Snow, Caraquet
Gérard Snow, Moncton
Alice Thériault, Moncton
Paul Thériault, Dieppe
David P. Thomas, Sackville
Odetta Vienneau, Pointe à Tom
Christopher (Chris) Wanamaker, Saint John
Elizabeth Weir, Saint John